Prêts pour une virée parisienne musclée? Alors endossez votre gilet pare-balle, rangez votre arme dans son holster et suivez Patrick Caujolle dans une enquête retorse et trépidante.
L’auteur:
Né en 1958 à Agen, Patrick Caujolle a passé quinze ans au Service régional de Police Judiciaire de Toulouse. Depuis une dizaine d’années, il s’est mis en disponibilité afin de consacrer son temps à l’écriture. Après des recueils de poésie et des récits de faits divers, il s’est lancé dans le polar en 2014 avec Beau temps pour les couleuvres, suivi de RIP en 2016.
Le roman:
Haine Noire, cinquième roman de Patrick Caujolle, a été publié par les éditions De Borée en 2018. Le style est toujours aussi net et précis, sans circonvolutions, un peu trop brut parfois mais sans conteste tout à fait adapté au genre polar d’action: « Le masque qu’on tient, la corde de sécurité, salto arrière, on y est…Première impression? Le froid, bien sûr, ce froid qui nous saisit, à qui l’on appartient mais que l’on doit bientôt oublier. Vite, se concentrer, et gaffe. Gaffe au léger ressac, aux objets flottants et aux hélices. » (Page 16).
Et comme toujours, beaucoup d’humour, un humour grinçant, un rien goguenard, abrupt: « Il n’était pas véritablement un expert mais, à première vue, celui ou ceux qui avaient fait ça relevaient davantage du magdalénien final que de l’université des monte-en-l’air, le trousseau Saint-Pierre et l’art ciselé du crocheteur professionnel n’ayant manifestement pas encore supplanté chez eux l’art granitique du burin et de la masse. » (Page 29).
Les thèmes: l’histoire de Haine Noire s’articule autour de deux axes: l’archéologie urbaine dont Patrick Caujolle nous dévoile quelques aspects très intéressants, notamment ce qui concerne la grande Peste de 1347; le satanisme, les sectes, les profanations de sépultures.
L’intrigue:
Paris. Boulevard Sébastopol. Fouilles dans le cadre de l’agrandissement d’une supérette. Chantier vandalisé. Quelques squelettes démembrés, répartis çà et là. Cadavre d’un jeune noble mort de la peste en 1348 a disparu de son sarcophage de plomb. Qui est l’auteur de ce saccage alors que seul le gérant du supermarché et les collègues de l’INRAP étaient au courant des fouilles menées par Guibaut? Victor Rey, jeune policier tout frais sorti de l’école de police, enquête, mais sa hiérarchie ne se préoccupe guère de cadavres datant de plusieurs siècles. Victor dispose d’une semaine pour boucler son enquête.
Dans le même temps, le cadavre d’une femme sans tête est repêché dans la Seine par la Fluv, tandis que sa tête est retrouvée dans la poubelle d’un restaurant du 1er arrondissement. Quel est le lien entre ces deux affaires en apparence complètement différentes, sinon que l’orbite gauche de chaque corps a été transpercée d’un petit pieu en bois?
Les personnages:
- Jean-Emmanuel Guibaut: ingénieur archéologue médiéviste mandaté par l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives); âgé de 45 ans; cheveux poivre et sel, visage soufflé, air triste, élégant.
- Amandine Le Quéré: brigadière de police à la Fluviale de la Seine, originaire de Bretagne, 35 ans.
- Victor Rey: jeune policier en tout début de carrière, affecté à Paris, commissariat du 2e; caractère entêté, entier, parfois intraitable mais tenace; grand, mince, athlétique.
- Céline Verger: commandante à la 1ère DPJ; célibataire, 46 ans.
- Kevin Bousquet: petit escroc arrogant; sataniste; grand, maigre, hirsute.
- Thomas Allen: voyou braqueur de banques et trafiquant de drogue; Écossais.
- Askri Moktar: généticien; né en 1981; soupçonné d’être un recruteur de Daesh.
- Chief inspector Irvine Clyde: détective au Criminal Investigation department d’Edimbourg; grand, assez corpulent, gestes lents, cheveux blancs, regard clair.
En conclusion:
Le +: ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce roman est le souci de réalisme, marque de fabrique de l’auteur dont on sent la volonté de s’appuyer sur une expérience professionnelle encore bien présente à son esprit. Le résultat: une intrigue bien ancrée dans la réalité; ça sent le vécu, comme qui dirait !!
Petit bémol: le vocabulaire et les expressions propres aux policiers pas toujours transparent; un petit index aurait été salutaire aux néophytes…
Patrick Caujolle propose ici un roman brut de décoffrage, une vision de notre société sans concession, écharpant au passage les politiciens et les grands pontes de la police, les paumés, les satanistes, les profiteurs de tout acabit, les escrocs et ceux qui courent après le fric. Une lumière dans ces ténèbres: la foi du flic, jeune ou vieux, qui croit en sa mission, pas le chevalier qui combat les monstres épée à la main, mais le professionnel opiniâtre, comme le jeune Victor, qui suit son instinct et ira jusqu’au bout de sa quête de vérité et de justice.
Citations:
« Les questions les plus importantes pour un flic n’étant pas forcément celles qu’il se pose mais plutôt celles qu’il ne pose pas. » (Page 43).
« Parfois, les rabatteurs n’existent que parce qu’il y a des prédateurs. Et si les chiens se contentent souvent d’une petite récompense, curée charnelle ou autre, leurs maîtres et quelques nantis se repaissent des morceaux de roi. » (Page 50).
« …c’est ça la vie de flic, un volet ouvert sur la misère du monde, un job qui peu à peu nous fait glisser dans la défaite de la société, un nuage carnivore qui nous corrobore le regard et nous rouille le sourire, mais par-delà, de temps en temps, cette improbable et fugitive sensation de chevalier blanc, de ponceur efficace, de tamisier du crime qui nous désencrasse l’âme et rend intacte notre motivation. » (Page 63).