Publié dans adultère, enquête criminelle, Histoire du genre: les précurseurs, Paris 1860, roman à énigme

Histoire du genre: les précurseurs: Le petit vieux des Batignolles, Emile Gaboriau.

Bien avant le fameux Sherlock Holmes, Emile Gaboriau, créateur du roman policier français, fait l’apologie de l’observation et de la déduction dans cette nouvelle à l’intrigue très simple, dont certains éléments seront repris par nombre de successeurs…

L’auteur:

Emile Gaboriau, né le 9 novembre 1832 à Saujon, en Saintonge, est une figure du paysage littéraire français du 19 ème siècle, en particulier du roman policier. Admirateur d’Edgar Allan Poe, qui fut sa source d’inspiration, il commence sa carrière littéraire en 1862, carrière qui lui vaudra d’être considéré comme le fondateur du roman policier français.

Malgré une scolarité médiocre, Emile Gaboriau achève ses études et, en 1852, devient clerc d’avoué quelques mois avant de s’engager dans l’armée, plus précisément dans la cavalerie, d’où il sera réformé en 1853, après un séjour en Afrique.De retour à Paris, il occupe des emplois variés avant de trouver une place dans une maison de roulage de la rue Saint-Martin.

gaboriauEn attendant la gloire, il écrit des poèmes, puis devient le secrétaire de Paul Féval qui lui fait découvrir le journalisme. Désormais, il collabore à plusieurs journaux dont Le Journal Illustré, La Lecture, La Vérité pour tous et le Tintamarre pour lesquels il écrit des chroniques. Inspiré par l’écrivain breton qu’il considère comme son mentor, il s’essaie à l’écriture. En 1861 et 1862, il publie des recueils humoristiques et quelques ouvrages historiques. Durant cette période, il fréquente assidûment les tribunaux, les prisons ainsi que les morgues afin de chercher des sources d’inspiration. Pourtant, dans le paysage littéraire de l’époque, personne ne le connaît.

En 1863, il remet au journal Le Pays, où il travaille, sous forme de roman-feuilleton, son premier « roman judiciaire » intitulé L’Affaire Lerouge, inspiré d’une affaire criminelle contemporaine. L’ouvrage passe inaperçu jusqu’à ce que Moïse Millaud, un grand de la finance, l’achète afin de le faire paraître dans son journal Le Soleil. Le roman rencontrera enfin le succès. Gaboriau commence alors une brillante carrière de feuilletoniste

Le roman:

Le petit vieux des Batignolles est une nouvelle initialement parue en feuilletons dans Le Petit Journal probablement en 1869, puis à titre posthume en 1876 dans un recueil de thcinq nouvelles. La nouvelle a bénéficié de plusieurs éditions, notamment par les éditions Liana Levi en 1991 et par les éditions du Masque en 2008. Dans ce court récit écrit à la première personne, le narrateur raconte sa première expérience d’investigation policière, longtemps après les faits: « Je vivrai mille ans, que je n’oublierais pas le spectacle qui frappa mes yeux…Et en ce moment même où j’écris, après bien des années, je le revois jusqu’en ses moindres détails. » (Page 28). De ce fait, toute l’enquête est suivie de son point de vue extérieur.

Le style net et précis, est à la fois moderne et suranné, employant des expressions propres à l’époque: « Mon digne voisin prenait-il cela sous son bonnet, ou bien, avant de venir me chercher, était-il allé prendre langue au dépôt? » (Page 103). Cela dit, la lecture en est très aisée.

A l’époque, le terme de roman policier n’existait pas encore, ce qui explique que les romans de Gaboriau étaient désignés comme « romans judiciaires » dans lesquels, bien avant Sherlock Holmes, seuls comptaient le don de l’observation et la capacité de déduction.

L’intrigue:

le petit journalL’inspecteur de la Sûreté Méchinet est appelé au 39 rue des Batignolles où le cadavre d’un petit vieux, baignant dans son sang, étendu sur le dos, les bras en croix, a été découvert par la concierge de l’immeuble. Les cinq lettres « MONIS » sont tracées à côté de sa main gauche avec son propre sang. Dès lors, tout semble accuser le neveu dont le patronyme est justement « Monistrol ». L’affaire paraît claire: tout indique que le neveu, pressé d’hériter de la fortune de son oncle, est le coupable tout désigné.

Pourtant, après le premier examen, des doutes ne tardent pas à assaillir le jeune étudiant en médecine: si, comme il le suppose, la mort a été soudaine et prompte, comment aurait-il pu tracer ces cinq lettres avec son sang? Et pourquoi le neveu persiste-t-il à avouer un crime dont il a été innocenté? Godeuil, persuadé que l’affaire n’est pas si simple, décide de rechercher le vrai coupable.

Les personnages:

  • Godeuil: narrateur, jeune étudiant en médecine; voisin de pallier de Méchinet.
  • Inspecteur Méchinet: chargé de l’enquête sur le meurtre du petit vieux; manie de priser du tabac dans une tabatière vide, afin de dissimuler ses impressions et de détourner l’attention de ses interlocuteurs.
  • Caroline Méchinet: épouse de l’inspecteur à laquelle il a l’habitude de raconter ses enquêtes et d’écouter ses avis.
  • Monistrol: bijoutier en faux, neveu du petit vieux.
  • Madame Monistrol: épouse du neveu; très belle femme.
  • Victor: ancien collègue de Monistrol.

Les lieux:

paris 1860
Paris en 1860

Très peu de détails concernant les lieux, tout comme les personnages, le récit s’attachant principalement à raconter les faits et les détails de l’enquête qui mèneront à la résolution de l’affaire.

Scène de crime: « En effet, le lit était ouvert, et sur la couverture étaient étalés une chemise et un foulard de nuit. Sur la table, à la tête du lit, j’apercevais un verre d’eau sucrée, une boîte d’allumettes chimiques et un journal du soir, La Patrie. Sur un coin de la cheminée brillait un chandelier, un bon gros et solide chandelier de cuivre. » (Page 36)

La boutique de Monistrol: « C’était une boutique modeste, presque pauvre, quand on la comparait à celles qui l’entouraient. La devanture réclamait le pinceau des peintres. Au-dessus, en lettres jadis dorées, maintenant enfumées et noircies, s’étalait le nom de Monistrol. » (Page 88).

En conclusion:

imagesL’intérêt de la nouvelle Le petit vieux des Batignolles réside autant dans son intrigue simple, propre à démontrer la supériorité des méthodes modernes consistant à déduire les faits grâce à une observation minutieuse des lieux du crime et du cadavre (méthodes encore peu usitées dans les années 1860..) que dans sa valeur historique en tant que récit policier fondateur du roman policier moderne. Vous passerez néanmoins un bien agréable moment en compagnie de ces enquêteurs de jadis…

Citations:

« Mon œil remplissait le rôle d’un objectif photographique, le théâtre du meurtre s’était fixé dans mon esprit comme sur une plaque préparée, avec une telle précision que nulle circonstance n’y manquait, avec une telle solidité qu’aujourd’hui encore je pourrais dessiner l’appartement du « petit vieux des Batignolles » sans rien oublier… » (Page 36).

« Tu me diras qu’il existe, contre nous autres de la police, quantité de préjugés ineptes légués par le passé…Que m’importe! Oui, je sais qu’il y a des messieurs susceptibles qui nous regardent de très haut…Mais sacrebleu! Je voudrais bien voir leur mine si demain mes collègues et moi nous nous mettions en grève, laissant le pavé libre à l’armée de gredins que nous tenons en respect! » (Page 75).

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