« Toute action entraîne une conséquence »: tel est le credo de ce thriller fort bien troussé, révélant le talent indéniable de Sandrine Destombes pour ficeler des intrigues prenantes…
L’auteur:
Sandrine Destombes est née à Paris en 1971. Elle a toujours vécu et travaillé dans la capitale. Elle a étudié le droit quelques mois, puis a fait des études à l’école pour les Métiers du Cinéma et de la Télévision. Ainsi, depuis 25 ans, elle travaille dans la production d’événements.
Le roman:
Madame B est paru aux éditions Hugo thriller en 2020. Raconté à la troisième personne, le style de l’auteur est fluide, développant ses phrases bien construites grâce à une syntaxe rigoureuse et un vocabulaire adapté, témoignant du soin particulier accordé par Sandrine Destombes à son écriture: « Le salon était désert tout comme la cuisine. Adrian n’avait pas remis de bûches dans le foyer. La température ambiante était à peine plus élevée qu’à l’extérieur et Blanche frissonnait, même avec son manteau sur le dos. Elle cria le nom d’Adrian mais sa voix se heurta aux murs sans que personne ne réponde. Elle monta à l’étage, fit un rapide tour d’inspection et redescendit avec la certitude que le vieil homme n’était pas dans la maison. » (Page 77).
Construction: Les chapitres courts s’enchaînent rapidement, faisant s’envoler l’intrigue et ménageant un suspense qui monte crescendo. On ne s’ennuie pas une seule seconde !!
L’intrigue:
Madame B est nettoyeur de profession. Malfaiteurs et tueurs en tous genres font appel à ses services afin que ne subsiste plus la moindre trace de leurs méfaits. Bien qu’œuvrant dans un monde d’hommes, elle est devenue une professionnelle reconnue et respectée.
Blanche, qui vient d’achever sa 93e mission commanditée par Le Limier, est de retour chez Adrian, à Mortcerf. Elle vide le sac récupéré chez la victime afin d’en inventorier le contenu. Stupéfaite, elle en extrait le foulard blanc que portait sa mère le jour où elle s’est suicidée, vingt ans plus tôt. Comment ce tour de force est-il possible? Qui l’a mis dans ce sac? Et surtout pourquoi? Ses soupçons se dirigent vers Le Limier, mais comment aurait-il pu savoir que ce foulard appartenait à sa mère? Comment aurait-il pu savoir qu’Adrian le conservait dans une boîte perdue parmi des dizaines d’autres boîtes?
Dès lors, s’engage un jeu du chat et de la souris dont l’enjeu est la protection de leurs activité et de leur liberté…Mais peut-être aussi de leur équilibre mental et de leur vie. Blanche saura-t-elle apprivoiser ses démos pour les sortir, elle et adrian, indemmes de cet imbroglio fatal?
Les personnages:
Peu de personnages pour ce récit synthétique organisé autour de la personnalité de Blanche et de la façon dont elle exerce un métier pour le moins inhabituel pour une femme:
- Blanche Barjac: 38 ans, une des meilleurs nettoyeuses de la profession.
- Adriano Albertini: 76 ans, mentor et beau-père de Blanche; organisé, vit en loup solitaire; protège les arrières de Blanche.
- Le Limier: tueur à gages; premier client important de Blanche.
- Cédric Collin: dépanneur informatique, grand sens de l’humour; débiteur de Blanche.
- Monsieur M: faussaire, client de Blanche.
Les lieux:
Fidèle à son style sobre, l’auteur ne donne que peu d’indications des lieux qui composent le théâtre de cette histoire. Nous ne retiendrons que la maison d’Adrian qui représente une partie importante de la personnalité et du parcours de Blanche: une maison isolée, en pleine campagne, munie d’une terrasse extérieure, lieu idéal pour une retraite paisible…ou pour échapper à n’importe quels poursuivants, police ou malfrats.
En conclusion:
Le +: Sandrine Destombes maîtrise à la perfection l’art d’instiller un sentiment d’insécurité puis de faire monter l’angoisse jusqu’à la paranoïa, sans effet de manches ostentatoire: « Elle s’obligea à respirer lentement puis profondément. La tête lui tournait et la chaleur qu’elle avait accumulée devant les flammes s’était depuis longtemps dissipée. Blanche grelottait, prostrée dans cette entrée. Le malaise n’était pas loin, elle en avait conscience. Son téléphone était resté sur la table du salon. Il fallait qu’elle retrouve son calme, personne ne viendrait l’aider. » (Pages 65-66). =>Peu à peu, les doutes s’installent dans l’esprit du lecteur qui soupçonne tout le monde de jouer avec les nerfs de Blanche, même ceux qui semblent les plus inoffensifs.
De montées d’adrénaline en questionnements sans réponse, le lecteur avance dans cette intrigue comme un automate: « Les phares d’une voiture l’éblouirent alors qu’elle cherchait son téléphone dans le vide-poches de l’utilitaire. Blanche retint son souffle et mit une main en visière pour mieux apercevoir le véhicule qui se rapprochait à faible allure. Il stoppa sa course à une trentaine de mètres. Blanche ne distinguait rien à cette distance. Tout ce qu’elle pouvait dire, c’est que la voiture était une berline de couleur foncée. » (Page 94).
De faux semblants en miroirs déformants, Sandrine Destombes nous entraîne dans un thriller palpitant, un rien dérangeant. Très vivement recommandé…
Citations:
« -C’est drôle! -Quoi donc? -Tu as remarqué qu’aucun de ces mots ne s’accorde au féminin? Nettoyeur, homme de main, même agresseur! Je sais que vous êtes pour la parité mais admets que ça en dit long sur nos prédispositions. » (Page 92).
« Selon lui, on avait toujours une raison de s’inventer un nom ou une histoire. Le sens pouvait rester abscons pour une personne extérieure mais celui qui se créait une identité savait de quoi il retournait. Un héros de bande dessinée chéri durant son enfance, l’accolement des premières syllabes du prénom de ses grands-parents. L’influence pouvait venir de partout et de n’importe quoi. Il n’en restait pas moins que rien ne sortait du néant. » (Page 225)