Publié dans angoisse, éditions J'ai Lu, cadavre, crime, enquête criminelle, harcèlement, Passion polar nordique, peur, psychologie des personnages

Passion polar nordique: Déluges, Kristina Ohlsson.

Nos péchés, nos fautes, quels qu’ils soient, nous rattrapent toujours: cela s’appelle le karma

L’auteur:

téléchargementKristina Ohlsson, née le 2 mars 1979 à Kristianstad, ville de Scanie en Suède, est une politologue et une romancière auteur de romans policiers. Elle a travaillé pour la police nationale suédoise en tant qu’analyste politique. Elle est l’auteur d’une série consacrée à Fredrika Bergman et Alex Recht comprenant à ce jour onze tomes, dont six ont été traduits en français. Elle est également l’auteur dune dizaine de livres pour enfants.

Le roman:

Déluges, Syndafloder dans la version originale parue en 2017, a été publié par les éditions J’ai Lu en 2020. Le style alterne les passages narratifs dans une écriture fluide: « Tina repoussa cette idée. Elle savait précisément pourquoi elle se trouvait ici et pour quelletéléchargement (1) raison elle avait tant tardé. Cette explication devrait suffire. Elle ouvrit les placards des enfants. Ils débordaient de vêtements. Tout comme les étagères murales, qui croulaient sous les jouets, les livres et toutes sortes d’objets non identifiés. Impossible de savoir s’il y manquait quelque chose. »(Page 294)…avec des passages à l’écriture plus hachée, reflétant les émotions des locuteurs:  » Elle remit la photo à sa place sur la desserte. Les techniciens l’emporteraient au QG pour en faire une copie. -Cette brutalité, lâcha Alex, interrompant le cours de ses pensées. -Pardon? -Je disais que ce meurtre avait quelque chose de brutal, dit Alex, qui ajouta, presque honteux: Je veux dire, de plus brutal que…Enfin, plus que d’ordinaire. -Tout dépend avec quoi on le compare. -Evidemment, admit Alex avec une grimace. C’est ce que je voulais dire. Ce n’est pas le pire qu’on ait vu. Mais c’est…inhabituel. Regarde la plaie. » (Page 47).

Faisant suite à Les Etoiles de David, qui se terminait avec la disparition de Fredrika, l’auteur reprend le fil en évoquant la situation de fin et celle de départ, sans trop en dire, juste assez pour harponner le lecteur: « Nous savons que Fredrika et vous…Enfin, si vous n’avez pas le courage de nous parler d’elle, nous tâcherons de résoudre l’affaire d’une manière ou d’une autre. Il est clair que vous êtes sous pression, mais il faut quand même que nous menions cette audition. Un collègue est accusé de meurtre, et nous devons nous entretenir avec un enquêteur qui était là depuis le début. » (Page 23).

Les chapitres très courts s’enchaînent sans laisser aucun répit au lecteur. Certains sont consacrés à l’audition d’Alex en septembre, donc après les faits, dans le but de susciter plus de questions que d’informations: « -Qu’est-ce que vous n’avez pas compris? (Silence) -Qu’il fallait s’attendre à bien pire. Que la situation allait prendre une tournure aussi affreuse. » (Page 87).L’allusion à des événements antérieurs qui lui sont inconnus ajoute au suspense savamment distillé: « Mais elle rejeta cette inspiration aussi vite qu’elle lui était venue. Personne ne serait prêt à l’écouter, après tout ce qui s’était passé. La police savait qu’elle avait de la chance de s’en être tirée. Que tout aurait pu -et même aurait dû- se terminer très différemment pour elle. » (Page 79)… »Ce courrier lui était destiné à elle, et à personne d’autre. un article découpé dans un journal. Ecrit en espagnol, imprimé sur du papier jauni. Elle le sortit précautionneusement. L’enveloppe glissa, atterrit sur le paillasson. Et elle entendit des pas dans la cage d’escalier. Prise de panique, elle se dépêcha de pousser le verrou et entra dans la cuisine à reculons, pour s’en éloigner. Son portable. Il fallait qu’elle le regarde. Il se trouvait dans la poche extérieure de son sac de sport. » (Page 59).

Fil rouge: les réflexions in petto de Fredrika.

L’intrigue:

Eté. Temps maussade. Un homme est trouvé mort dans son fauteuil, installé face à la cheminée, par sa femme de ménage. Aucune trace de lutte. Soit la victime connaissait son meurtrier. Soit, surprise, elle n’avait pas eu le temps de réagir. Détail intrigant: sur le plateau du haut d’une desserte roulante placée non loin du fauteuil, Fredrika trouve un cliché Polaroid représentant quatre personnes, Benke, la victime, et trois autres regardant l’appareil, tandis qu’un quatrième regardait ailleurs. Qui sont les personnes de la photo? Pour quelle raison et par qui a-t-elle été placée précisément à cet endroit? Un rapport avec la mort de Beata, la fille de la victime, survenue dix ans plus tôt?

Pendant ce temps, Noah Johansson constate la mystérieuse disparition de son frère et de sa famille, soi-disant partis en Australie pour un an. Noah, qui veut en avoir le coeur net, se rend dans la maison de son frère dont il a la clé. Des détails le font tiquer: du linge dans le sèche-linge, le lave vaisselle plein, les placards débordant de vêtements. Quand on part à l’étranger pour une longue durée, laisse-t-on sa maison dans cet état, comme si on allait revenir le soir même? De plus en plus convaincu qu’il est arrivé quelque chose à sa famille, Noah, que la police ne prend pas au sérieux, est bien décidé à remuer ciel et terre pour savoir ce qu’il leur est arrivé et pourquoi est-il sans nouvelles depuis de nombreuses semaines.

Qui est cette femme prisonnière avec ses enfants dans une maison inconnue, perdue au milieu des bois? Différentes affaires incombent à l’équipe d’Alex? Existe-t-il seulement un lien entre elles? Et que signifie ce message reçu par Alex: « Je remets tout en ordre. » ? Alex et son équipe se retrouvent confrontés à une enquête complexe avec plusieurs cadavres sans lien apparent, plusieurs mobiles et un seul assassin, sans qu’ils puissent comprendre pourquoi tout cela se produit précisément maintenant. Faute de preuves matérielles, ils avancent comme perdus dans le brouillard…

Fredrika, dans le même temps, est confrontée à une épreuve familiale extrêmement douloureuse. Saura-t-elle, pourra-t-elle y faire face tout en menant des investigations complexes, mettant son équilibre intérieur à rude épreuve?

Personnages:

  • Alex Recht: commissaire; aime la routine quotidienne, l’absence de changement qui lui permet de s’ancrer dans un univers familier rassurant.
  • Margareta Berlin: femme désagréable et autoritaire chef du service dirigé par Ross; mauvaise manageuse.
  • Torbjorn Ross: commissaire; ancien ami de Recht; caractère tortueux et jugement peu fiable; Alex ne lui fait pas confiance.
  • Fredrika Bergman: co-équipière d’Alex; passionnée de musique, violoniste amateur; discrète sur sa vie privée qu’elle protège farouchement; enquêtrice méticuleuse qui a le sens des détails.
  • Ivan Nilsson: jeune policier opiniâtre, enthousiaste, bon enquêteur malgré son manque d’expérience.
  • Malcolm Benke: la victime; divorcé, vivait seul; entrepreneur en bâtiment très en vue.
  • Sten Aber: ami d’enfance de Benke, ingénieur.
  • Noah Johansson: entrepreneur en pompes funèbres.
  • Dan: frère de Noah, psychologue.
  • Malin: épouse de Dan.
  • Tina: meilleure amie de Malin.
  • Spencer: ancien professeur et marin de Fredrika; de vingt-cinq ans son aîné.
  • Mikaël Lundell: pasteur.
  • Eden Lundell: son épouse, impliquée dans une ancienne enquête d’Alex et Fredrika.
  • Peder Ryah: ancien ami et collègue d’Alex; travaillait comme agent de sécurité lors de l’enquête sur les meurtres d’enfants (voir Les étoiles de David)
  • Groupe d’enquête spécial: le seul à avoir survécu à la réorganisation de la police tant décriée; fait partie du service de Margareta Berlin dont le siège était la préfecture de police, mais collabore avec d’autres unités.

Les lieux:

Scène de crime: description à travers le regard aiguisé de Fredrika qui scanne le lieu comme si elle avait des rayons à la place des yeux; il s’agit plus de définir l’ambiance du lieu de vie et de mort plutôt que de donner des détails sordides: « Elle rejoignit Alex dans la pièce où se trouvait la victime, affaissée dans un fauteuil. Une grande salle de séjour, meublée d’un canapé et de plusieurs sièges tournés vers le téléviseur. pourtant, la télévision n’était pas ce qui occupait Malcolm Benke au moment de sa mort, mais le feu qui brûlait dans la cheminée. Du moins selon les apparences. » (Pages 43-44)

Maison spéciale où se trouve enfermée la femme inconnue: avec des fenêtres incassables, des portes impossibles à fracturer, l’eau courante, une salle de bains, une cuisine entièrement équipée… »Comment une construction pareille pouvait -elle avoir été inventée, dans quel but? » (Page 255)

En conclusion:

Quatre ans après les événements narrés dans Les étoiles de David auxquels l’auteur fait de nombreuses allusions, Déluges raconte une autre enquête aussi complexe et perturbante. Il est à noter qu’un délai aussi long semble contradictoire avec le fait que ce qui s’y est déroulé est encore très présent dans la mémoire de Fredrika et Alex. On aurait pu penser que les affaires traitées pendant ce laps de temps écoulé en aurait estompé les contours. Mais non. C’est comme s’ils avaient dormi pendant quatre ans. Etrange…

Le +: les réunions de travail du groupe d’enquête dirigé par Alex mettent le lecteur sur un pied d’égalité avec les enquêteurs, en tout cas en ce qui concerne les informations disponibles. Ce qu’il en fera après, c’est une autre histoire. Mais c’est passionnant d’essayer de reconstituer les faits tels que l’auteur les a imaginés. Et d’exercer ainsi nos talents de détectives amateurs…

Ce qui fait la différence avec les romans de Kristina Ohlsson c’est l’importance qu’elle confère à la psychologie de ses personnages récurrents, surtout Fredrika et Alex, tenant compte de leur vie personnelle et des répercussions sur leur travail, les rendant humains et attachants. Elle signale au passage que c’est un métier exigeant tant émotionnellement que moralement, qui implique bien plus de soi si l’on ne sait pas se protéger, ce que Fredrika ne semble pas réussir au mieux malgré tout le soin qu’elle met à cloisonner sa vie privée et son travail. Particulièrement dans cet opus où Spencer, son mari, est impliqué directement dans l’enquête. En bien ou en mal, à vous de le découvrir…

Citations:

« Ces trois derniers mots transpiraient le mépris. La nouvelle organisation. La plus détestée qui ait jamais été édictée. Le plus grand chamboulement qu’ait jamais eu à subir la police suédoise. Si mal mené, si peu ancré dans la réalité. » (Page 34).

« Tous les chemins qui pouvaient mener hors des ténèbres étaient les bienvenus. Petite, elle adorait jouer avec la maison de poupées que sa grand-mère paternelle lui avait offerte. C’était comme s’évader. Dans un endroit qui appartenait à quelqu’un d’autre, mais qu’elle, Fredrika, était autorisée à visiter. » (Page 67).

« Ce que venait de raconter Karin Benke n’avait rien d’une histoire unique en son genre. Face au doute, tout tribunal doit libérer le prévenu. C’était la règle, il fallait bien la suivre. Bien des criminels se tiraient d’affaire faute de preuves de leur culpabilité. Un fait que certains citoyens considéraient comme une faiblesse du système judiciaire, quand d’autres y voyaient le signe du bon fonctionnement d’une société démocratique. » (Page 71).

« Elle vida son verre, après avoir accordé une brève pensée à la quantité d’alcool qu’elle pouvait s’autoriser à boire chaque jour. Il y avait une différence entre vivre comme si chaque jour était le dernier, et faire en sorte qu’il risque effectivement de l’être. » (Page 247).

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s