Publié dans éditions du Masque, énigme historique, crime, disparition d'un enfant, disparition inexpliquée, fantômes du passé, guerre, mystère, Passion thriller, peur

Passion thriller: Sous les Décombres, Mechtild Borrmann.

Les parents sont-ils obligés de révéler tout de leur passé? Les enfants ont-ils le droit de tout savoir? Bien difficile de répondre à cette question d’éthique, surtout dans des circonstances dramatiques…Un magnifique roman policier, historique, psychogénéalogique. Bouleversant !!

L’auteur:

téléchargementMechtild Borrmann, née à Cologne en 1960, en pleine Guerre Froide, est une romancière allemande, auteur d’une dizaine de romans policiers, dont seuls quatre ont été traduits en français, dont Le Violoniste, en 2015, pour lequel elle a été lauréate du grand Prix des lectrices de Elle. Son premier roman, Rompre le Silence, paru en 2006, a obtenu le Prix du meilleur roman policier en Allemagne.

Le roman:

Sous les Décombres, Trümmerkind dans la version originale parue en 2016, a été publié par les éditions du Masque, un département des éditions Jean-Claude Lattès, en 2019, puis en 2020 par Le Livre de Poche. Le style est sobre, agréable par les phrases et mots simples allant à l’essentiel, laissant leur contenu porter la tension dramatique du récit: « Heinrich Anquist avait demandé à ses employés et aux prisonniers de guerre polonais de faire leurs bagages et de partir avec les réfugiés. Il avait même mis à leur disposition deux chevaux et deux voitures. Seules étaient restées la vieille Wilhelmine, leur cuisinière depuis quarante ans, et sa jeune nièce Almuth qu’elle était allée chercher à Berlin car elle avait perdu ses parents. Ainsi que Josef, qui avait grandi ici et ne quittait le domaine que pour porter les bidons de lait à la laiterie. » (Page 28).

Construction: L’intrigue tisse ses fils en allers-retours entre août 1992, le présent, et avril 1945-janvier 1947, les passés.

Thème: a-t-on le droit de tout savoir sur le passé de nos parents, doit-on tout savoir, et si oui, à quel prix? L’impact des souvenirs sur les générations futures.

L’intrigue:

1992. Anna, enseignante, entretient avec sa mère des relations complexes, cette dernière se refusant absolument à parler de sa jeunesse et de sa vie avant la naissance de sa fille. Anna devrait respecter ce choix mais elle n’y parvient pas. Obsédée par ce grand vide, elle ne cesse de poser des questions à s amère, de chercher des photos, des réponses à ses questions. Pourquoi Clara, sa mère, ne parle jamais de sa famille, des enfants de son père et de ce qu’ils sont devenus? Pourquoi Anna lit une terreur sans fond dans les yeux de Clara quand elle aborde ce sujet?

Hiver 1946-1947. Un des plus froids de la décennie. Agnès Dietz et ses deux enfants, le jeune Hanno, âgé de quinze ans, et sa fille de dix ans, Wiebke, déploient des trésors d’ingéniosité pour survivre dans la ville dévastée de Hambourg. Son mari étant porté disparu, elle ne dispose d’aucun moyen de subsistance. Mais peu à peu, la vie reprend ses droits. Agnès se lie d’amitié avec Magda et subvient aux besoins de sa famille grâce à ses talents de couturière.

Quant à Hanno, accompagné de sa soeur, il arpente les décombres de la ville dans l’espoir de trouver des objets à revendre ou à troquer au marché noir. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Peter, jeune homme très débrouillard, qui le prend sous son aile et l’aide à améliorer leur quotidien, notamment avec des denrées alimentaires difficilement trouvables, tel que du beurre et des pommes de terre. Mais un jour, Hanno découvre le cadavre d’une femme. Tout près de là, sa soeur trouve un petit garçon âgé d’environ trois ans, tout seul. Agnès accepte de le recueillir et le prénomme Joost. Pourtant, malgré leurs recherches, ils ne connaitront jamais sa véritable identité .

1992. Anna continue son enquête et se rend au  nord-est de Berlin, dans un domaine où sa mère aurait passé sa jeunesse. Elle croise la route de Joost, l’architecte mandaté par les actuels propriétaires pour le réhabiliter. Il accepte d’aider la jeune femme à mener son enquête, sans se douter qu’ils déterreront un terrible secret et un crime abominable…Finalement, il vaut parfois mieux laisser le passé dormir en paix…

Les personnages:

  • Anna Mer: enseignante, fille de Clara, 40 ans.
  • Clara Anquist: mère d’Anna, fille d’Heinrich; femme volontaire et rigide; s’est occupée de sa famille à l amort de sa mère.
  • Agnès Dietz: épouse de Gustav; mère adoptive de Joost; couturière.
  • Gustav Dietz: gars costaud et bon vivant, courageux; soldat allemand; mari d’Agnès.
  • Hanno: fils de Gustav et Agnès; jeune homme débrouillard, plein de ressources; 15 ans.
  • Wiebke: fille de Gustav et Agnès; 10 ans; très attachée à son frère.
  • Peter: ami de Hanno, s’adonne à toutes sortes de trafics.
  • Magda: blanchisseuse, amie d’Agnès.
  • Joost: jeune garçon recueilli par Agnès; devenu architecte.
  • Heinrich Anquist: patriarche de la famille.
  • Ferdinand: fils de Heinrich; soldat; frère de Clara.
  • Margareta: fille de Ferdinand, nièce de Clara.
  • Konrad: frère de Margareta.
  • Almuth: nièce de la cuisinière.
  • Josef Sobitzek: homme à tout faire de la famille Anquist.

Les lieux:

Les endroits, dit-on, ont une mémoire des événements qui s’y sont déroulés; ils en gardent les cicatrices profondes; leurs murs conservent les voix et les visages de ceux qui les ont hantés; ils emmagasinent leurs souffrances, leurs joies, leurs espoirs et les restituent aux personnes capables de les écouter. Il en est ainsi

Hambourg 1947: ville suppliciée, ayant subi les bombardements meurtriers tout au long des cinq années de guerre; à la fin de la guerre, il ne reste de sa splendeur que ruines et champ de bataille. Seuls certains quartiers résidentiels ont été relativement épargnés, accentuant la désolation du reste de la ville, notamment Rotherbaum, où résident madame Gardner, cliente fidèle d’Agnès. Lorsque la jeune femme se retrouve face à leur blanche villa, c’est comme si, d’un coup de baguette magique, elle se retrouvait transportée dans un autre monde, qu’elle ne soupçonnait pas.

Domaine Anquist: contraste saisissant entre le domaine florissant où Heinrich Anquist pratiquait l’élevage de chevaux, plein de richesses telle que lourde argenterie, peintures de valeur, porcelaine de Meissen, et le triste tableau que découvre Anna presque cinquante ans plus tard: « Elle gare sa voiture dans la cour intérieure et, là, elle ne peut se défendre d’un vif sentiment de déception. Le corps de logis offre un triste spectacle: la façade en ciment gris s’effrite lamentablement et le toit à quatre pans s’est effondré aux endroits où les poutres de la charpente ont cédé. » (Page 55).

En conclusion:

Je ne connaissais pas la plume de Mechtild Borrmann avant de lire Sous les décombres; j’ai été immédiatement séduite par la pudeur et l’objectivité de son propos, son absence de jugement, la sobriété de son style. Il existe de nombreux romans dont l’intrigue se situe pendant la seconde guerre mondiale, le plus souvent du point de vue de ceux qui ont subi l’occupation allemande et ses dévastations. Chaque mois sont publiés des récits racontant les destins tragiques de personnes, de familles ayant tout perdu, y compris la vie.
Mais qu’en est-il du peuple allemand? Avait-il le choix? Pas plus que les pays agressés, en réalité. Sous les Décombres montre la destinée de personnes lambda dont l’existence a été bouleversée et détruite à jamais, qui ont tout perdu, mais qui en plus ont été stigmatisées et assimilées aux nazis, seuls responsables de cet immense charnier que fut la seconde guerre mondiale. Le mérite de l’auteur est de nous rappeler que la grande majorité des Allemands n’ont pas désiré cette guerre, dont ils ont souffert autant que les peuples entraînés dans cette guerre bien malgré eux, et qu’ils ont payé cher les égarements d’Hitler et sa clique: « Puis vint le 8 mai. La nouvelle tomba à la radio. L’Allemagne avait capitulé. La guerre était finie. Quand Clara éteignit le poste, un silence tendu s’abattit sur eux, entrecoupé seulement par les sanglots de Josef. Elle posa la main sur son épaule pour le consoler et tenta de mettre de l’ordre dans le chaos de ses idées et de ses sentiments. C’était pourtant bien ce qu’ils attendaient! Cette nouvelle, voilà des jours qu’ils espéraient l’entendre, et à présent il n’y avait qu’un grand vide. » (Page 86).

Avec ce roman impartial et équitable, Mechtild Borrmann ressuscite une période trouble et tragique de notre histoire contemporaine à travers le destin de personnages ballotés par la vie. Certains se sont montrés cruels et avides, d’autres ont essayé par tous les moyens de sauver ce qu’ils avaient de plus cher, enfants, biens matériels…Je ne peux m’empêcher de me poser cette cruciale question: dans des conditions aussi extrêmes que celles vécues par ces gens, comment nous serions-nous comportés? Il est toujours facile, du fond de son confortable fauteuil de déclarer: « Moi, c’est certain, je n’aurais pas fait ça… » Car les pires instincts qui sommeillent en chacun de nous n’attendent qu’un occasion pour se réveiller…ou pas.

Citations:

« Elle fixa pendant de longues secondes et se mordit la lèvre. Comme il avait dit ça crûment! Et il n’avait que quinze ans! Qu’allait-il devenir si la mort était déjà une telle évidence pour lui? Pour tenter de le réconforter, elle posa la main sur sa nuque et l’attira doucement contre sa poitrine. La tête de son fils se nicha au creux de son épaule. Serrés l’un contre l’autre, ils restèrent un long moment sans parler. » (Page 73).

« L’air frais lui fait du bien. Un léger vent pousse les cumulus dans le ciel. Anna se force à se calmer; elle expire en comptant lentement jusqu’à dix. Tandis qu’elle reprend ses esprits, adossée au mur de la maison à côté de Hannelore, une certitude se fait soudain jour dans son esprit: cette peur n’est pas la sienne. Elle en a hérité. » (Page 113).

« Une épreuve terrible! Voilà pourquoi elle n’avait jamais pu se résoudre à en parler. Peut-être Anna devrait-elle la laisser tranquille à présent. Elle s’était persuadée qu’elle était en droit de connaître le passé de sa mère. Mais après tout, était-ce aussi sûr? Le fait d’être sa fille lui donnait-il la légitimité de tout savoir de sa vie? Sa mère n’avait-elle pas le droit de décider elle-même de ce qu’elle souhaitait dévoiler de son existence? » (Page 164).

« Parfois, pendant la récréation, elle regarde par la fenêtre de sa classe et médite sur l’éternel retour des choses ou, plutôt, sur la façon dont elles se font écho. c’est un peu comme si l’on tenait dans ses mains un faisceau avec les fils de son existence. parfois on lâchait un fil et on le reprenait plus tard. Ou, plus exactement, on était amené à le reprendre parce qu’il n’était pas achevé, mais qu’il vous avait seulement échappé dans un instant d’inattention. » (Pages 205-206).

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