Publié dans angoisse, décès d'un enfant, délinquance, enquête criminelle, justice, Passion polar nordique, peur, racisme

Passion polar nordique: L’Enfer commence maintenant, Karin Fossum.

Dernière enquête de l’inspecteur Sejer au cœur de la canicule norvégienne, loin des décors de neige et du froid…Une toute autre ambiance…

L’auteur:

karin fossumKarin Fossum est une romancière norvégienne de romans policiers née le 6 novembre 1954 à Sandefjord, dans le sud de la Norvège.

Biographie complète

Le roman:

L’Enfer commence maintenant, Varsleren en version originale parue en 2009, a été publié par les éditions du Seuil en mars 2012. C’est le dernier roman de la série Sejer et Skarre paru en français, les trois suivants écrits en 2013, 2014 et 2016 n’étant à ce jour toujours pas traduits.

Thèmes: l’alcoolisme, l’abandon, la perte d’un parent, la peur, la maladie, le racisme et le droit à la différence (thèmes récurrents chez la romancière norvégienne). La multiplicité des sujets traités atteste la profondeur et la richesse des intrigues développées par Karin Fossum, abordant des sujets intemporels, les mettant en scène sans jugement; elle se contente de radiographier la société: « Il n’est pas rare qu’elle soit déjà soûle à cette heure-là. Un jour, il l’a vue à sept heures du matin en train de boire de la vodka au goulot, se cramponnant à l’accoudoir d’un fauteuil de sa main libre. » (Page 66).

L’intrigue:

Fin août. La canicule assomme la région. La petite Margrete, âgée de huit mois, dort paisiblement dans son landau, dans le jardin familial, tandis que Lily, sa mère, prépare le repas. Peu près, Lily retrouve sa fille bien vivante mais couverte d’un sang qui n’est pas le sien: « Skarre a punaisé une carte des environs sur un tableau… »C’est un acte soigneusement préparé…L’individu a dû surveiller la maison un bon bout de temps pour noter ce qu’il s’y passait. Il savait donc à quel moment de la journée l’enfant faisait sa sieste, et il savait peut-être même combien de temps elle dormait. Caché derrière un arbre en attendant que Lily sorte de la maison, il a dû éprouver une grande jouissance en voyant sa réaction. » (Page 19). Les mobiles sont multiples: jalousie; vengeance; un besoin de se faire remarquer; maladie mentale ou méchanceté pure…Toutes les options sont envisagées par Sejer et son équipe mais l’enquête fait chou blanc.

Puis Sejer reçoit au courrier une carte postale représentant un glouton; au dos on peut lire « Prédateurs norvégiens. Glouton. Photographe Goran Jansson » avec un court message écrit dessous: L’enfer commence maintenant ». =>Avertissement? Plaisanterie douteuse? Tandis que Gunilla Mork lit dans le journal l’annonce de son décès; un mouton est tagué en orange dans un champ. Existe-t-il un lien entre ces incidents ressemblant à de mauvaises blagues?

Mais quand le jeune Theo, huit ans, est retrouvé dans la forêt, le cors déchiqueté par une meute de chiens échappés de leur chenil, l’affaire prend une tournure autrement plus dramatique. Sejer et son équipe se retrouvent plongés au cœur d’une enquête difficile, côtoyant chaque minute le Mal à l’état pur…

Les personnages:

  • Sejer: inspecteur de police; excellente forme physique, mesure 1m98, stature imposante; a mis de nombreuses années à se remettre de son veuvage; aime se promener avec son chien, un shar-peï chinois nommé Franck; n’a pas d’idées préconçues même s’il raisonne en fonction de son expérience, des enquêtes passées et de son intuition.
  • Skarre: collègue de Sejer; fils de pasteur, a reçu une éducation stricte et austère; son côté gamin plaît à tout le monde; célibataire, sans enfant.
  • Holthemann: chef du service de police, responsable du budget; personne ne sait pourquoi il se déplace avec une canne; perspicace et lucide; grande expérience.
  • Lily Sundelin: mère de Margrete, épouse de Karsten; nature timide et réservée, ne proteste jamais, ne crie pas mais fond en larmes facilement.
  • Karsten Sundelin: mari de Lily, père de Margrete; physique impressionnant, très large d’épaules, belle voix de basse; caractère bouillant mais honnête; n’a pas une très bonne opinion de la police.
  • Johnny Beskow: petit gars pas très costaud mu par la motivation de créer l’affolement afin de lui donner de l’importance; immense talant pour la méchanceté malgré qu’il soit incroyablement gentil et serviable avec son vieux grand-père qu’il adore.
  • Mère de Johnny: maigre et pâle, femme ravagée par l’alcool.
  • Henry Beskow: grand-père de Johnny; vieil homme impotent, toujours assis dans son fauteuil; ses doigts déformés par l’arthrose ressemblent à des griffes.
  • Sverre Skarning: propriétaire du mouton tagué.
  • Else Meiner: petite voisine du grand-père de Johnny âgée de 10 ans; insolente, ricane et le regarde d’un air provocateur et espiègle quand elle le voit; stature frêle mais sûre d’elle, un vrai garçon manqué
  • Theo Bosch: garçonnet de huit ans; pas très grand pour son âge mais pas timoré; Lars Monsen, aventurier et journaliste norvégien, est son héros.
  • Hannes Bosch: père de Theo; opticien.
  • Wilma: épouse de Hannes et mère de Théo.
  • La police: ce qu’on en pense joue un rôle important dans cette histoire car, bien que les enquêteurs soient des êtres humains comme les autres, leur mission consistant à aider les autres en cas de gros pépin leur confère un statut particulier. D’où l’énorme pression exercée par les personnes lambda qui en attend beaucoup, peut-être trop: pour Karsten, les policiers sont des « gens balourds et simplets se baladant en grosses chaussures noires à lacets et affublés de casquettes ridicules sur la tête…Des gens immatures et incultes, qui ne connaissent pas grand chose aux subtilités de la vie…étant donné leur manque d’organisation légendaire, pas étonnant si les policiers n’arrivent pas tout de suite. » (Pages 15-16) =>Le moins qu’on puisse dire est que Karin Fossum ne privilégie pas le culte du héros pour camper ses personnages enquêteurs!!
  • La peur: personnage principal de ce roman, la peur symbolise la mince frontière qui sépare le climat de confiance de l’angoisse. Elle s’insinue partout, imprime son empreinte indélébile sur gens et choses. Désormais, chacun de leurs pas comporte un risque, le monde en dehors de leur maison est devenu un danger permanent: « Mais d’autres pensées l’assaillent, auxquelles elle n’est pas préparée. Pourquoi ici? Dans notre quartier? Pourquoi nous, notre jardin, notre enfant? » (Page 35)… »Il comprend que Lily a peur en permanence, que cette peur l’empêche de vivre, perturbe son sommeil. Tout ce qui était si simple avant est chamboulé. » (Page 59).

Les lieux:

Les lieux dans lesquels se déroulent l’intrigue, par leur apparence anodine et ordinaire, donnent une fausse impression d’ambiance paisible, contrastant avec l’atmosphère de peur répandue par le « petit plaisantin »:

Bjerketun: lotissement construit au début des années 90, « avec de jolies maisons bien entretenues, entourées de jardins, possédant un double garage et une terrasse spacieuse à côté de l’entrée. Situé à quatre kilomètres du centre de Bjerkas, l’ensemble comprend une soixantaine de maisons dont certaines comportent une extension. » (Page 21)

Askeland: de l’autre côté du bois qui sépare la maison des Sundelin à Bjerketun, un autre lotissement, plus ancien et plus grand, composé de maisons ressemblant à des nichoirs à poules, ternes et délabrées, dont certaines sont utilisées par la municipalité pour loger des personnes en difficulté, constitue comme un avertissement. Attention, tout n’est pas rose comme semble l’affirmer le lotissement de Bjerketun. Une sombre menace plane sur vos têtes… »C’est la fin de l’été, tout le monde vit dehors, dans les jardins. Il voit des gamins sur des trampolines, des femmes qui jardinent, des hommes qui lavent leurs voitures. Un monsieur accroupi qui repeint son portail, une dame ramassant son linge sec dans un panier…Tous ces gens vivent au bord d’un gouffre, et il veut les faire basculer. » (Page 73).

En conclusion:

Karin Fossum, grande prêtresse de la mise en scène et du suspense, sème des indices un peu partout dans le déroulement du récit: un « suspect » qui roule en scooter »; Karsten qui ce jour-là a entendu le bruit d’un scooter…Sans jamais nous dire de qui il s’agit: le petit plaisantin qui terrorise la ville; Johnny qui se rend chez son grand-père…Elle sait comme personne installer un climat de peur insidieuse qui, peu à peu, s’insinue dans nos esprits, dans nos veines, nous mettant sur des charbons ardents…Jusqu’à ce que la découverte du corps de Theo nous fasse basculer dans l’horreur. Ce à quoi on s’attend depuis le début a fini par arriver.

L’enfer commence maintenant, septième et dernier roman traduit en français, est un véritable bijou d’intrigue policière: une intrigue menée de main de maître; des personnages intéressants; une atmosphère délicieusement délétère; des rebondissements et une fin inattendue. Tous les ingrédients qui vont vous faire adorer sa plume…

Citations:

« Notre homme a pu emprunter ce chemin, pense-t-il, en direction de Bjerketun et de la maison des Sundelin. Sur la pointe des pieds, le coeur battant, son plan machiavélique en tête. Aux aguets, à l’écoute, s’estimant invincible comme le font souvent les criminels. Ils sont persuadés qu’ils seront toujours gagnants. »

« L’amour est une plante qui a besoin de soins. » (Page 11).

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3 commentaires sur « Passion polar nordique: L’Enfer commence maintenant, Karin Fossum. »

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