Publié dans éditions La Martinière, cadavre, enquête criminelle, histoire de l'art, Passion polar français

Passion polar français: Panique à Drouot, Eric Mercier.

Gros coup de cœur pour ce roman policier érudit et captivant qui nous fait découvrir le monde de l’art sous un jour inhabituel…

L’auteur:

OIP (1)Eric Mercier est un historien de l’art et romancier français. Après avoir travaillé vingt-cinq ans dans la finance, il soutient une thèse consacrée à la Jeune Peinture figurative des années 50. Il publie plusieurs ouvrages d’histoire de l’art avant de se lancer dans l’écriture de romans policiers. Dans la peau de Buffet, son premier roman, raconte la folie meurtrière d’un fanatique du peintre, Fauves  est son second roman.

Le roman:

Panique à Drouot a été publié par les éditions La Martinière en 2022. Le style est fluide, la syntaxe solide, l’écriture vive et énergique: « Je n’ai jamais réussi à banaliser la mort, à l’appréhender froidement et méthodiquement comme pratiquent les légistes, à envisager mes enquêtes comme de simples puzzles. Nettoyer les écuries d’Augias a un prix: prendre dans la gueule tout ce que la société ne veut pas voir. Je sais aussi qu’à chaque fois, un cadavre charrie dans son sillage des vies brisées et des enfants privés d’affection, à jamais traumatisés. » (Page 16)… »Par deux fois déjà nos chemins se sont croisés. Je doute que notre collaboration lui ait laissé un souvenir ému. Difficile de dire lequel aura le plus d’efforts à prodiguer pour mettre son mouchoir sur cette aversion réciproque et s’en tenir aux objurgations du procureur. » (Page 26).

L’intrigue:

Maître Dupré-Latour, commissaire priseur à Drouot, est retrouvé mort dans une vierge de Nuremberg, instrument de torture utilisé au Moyen-Age qui faisait partie de la vente du mobilier d’un château de la Loire, vacation organisée par la victime. Il a été assommé avant d’être traîné jusqu’au sarcophage mortel. Le meurtre a eu lieu dans un local qui communique avec l’une des salles où sont entreposés les objets vendus en attente d’être retirés par les acheteurs. Pourquoi lui? Pourquoi d’une manière aussi effroyable?

Etant donné que l’hôtel des ventes est truffé de caméras de surveillance, soit le meurtrier a procédé à des repérages, soit il connaît bien les lieux. Et il savait probablement que le local où il a supplicié sa victime communique avec un réseau de couloirs reliant les salles. Sans caméras.

Le commandant Vicaux, mandaté par le procureur, se serait bien passé de ce cadeau empoisonné. Les enjeux sont considérables. « Le marché de l’art ce ne sont pas seulement des artistes médiatisés et déjantés qui s’en mettent plein les poches, c’est aussi des milliards d’euros de chiffre d’affaires avec à la clé un grand nombre d’emplois. » (Page 24).

Ce meurtre aurait-il un lien avec l’affaire des Savoyards que la victime avait démasqués? Ou avec les petites combines de son épouse? Le commandant Vicaux et son adjointe, le capitaine Roux, vont découvrir un monde où tous les coups sont permis pour acquérir gloire et fortune.

Les lieux:

Panique à Drouot propose une visite guidée de l’hôtel Drouot plutôt insolite. Des salles de stockage, des couloirs longs et lugubres, des bureaux luxueux. Tout un monde de chineurs, de personnages loufoques à l’affût de la bonne affaire, d’experts et de commissaires-priseurs, bien loin de l’univers compassé que l’on imagine souvent. Derrière ses tentures rouges et ses épaisses moquettes, ses mosaïques et ses salles de vente à l’atmosphère feutrée, se dissimulent des hommes et des femmes passionnés, prêts à tout pour vendre et acheter œuvres d’art, meubles et objets insolites.

En conclusion:

Le +: l’ossature d’une intrigue policière fictionnelle basée sur des anecdotes réelles, comme l’authentification en février 2003 de Paysage de mer au ciel d’orage, une toile de Courbet, ou la mise en examen de l’UCHV ( Union des Commissaires de l’Hôtel des Ventes) en tant que personne morale pour « association de malfaiteurs, complicité et recel en bande organisée » par le juge Philibeaux, et sa dissolution en 2010.

Avec Panique à Drouot, Eric Mercier propose un roman érudit, intelligent, à l’intrigue savamment mise en scène dans des décors bien plantés. Jusqu’au bout, il nous tient en haleine et nous guide dans les arcanes du monde de l’art avec brio. En lisant Panique à Drouot, vous mènerez une captivante enquête criminelle avec le commandant Vicaux et le capitaine Roux, et vous en apprendrez beaucoup sur les dessous des ventes aux enchères, le marché des œuvres d’art, les combines, les manigances. Vous ferez la connaissance d’experts ripoux, de voleurs et de receleurs, de collectionneurs et de marchands d’art sans scrupules…

Citations:

« Quelques heures de réflexion dans nos cellules douillettes avec leurs effluves aromatiques de pisse et de vomi devraient lui libérer la parole. Il continue de se contorsionner comme un asticot épinglé à un hameçon. » (Page 68).

« Sur un coup de tête, il décide de se raser de près. Des lustres qu’il n’a pas ressenti les picotements acidulés d’une mousse à raser mentholée. Le résultat l’étonne. Il doit se familiariser avec sa nouvelle trogne. Malgré les rides et les épreuves, les traits de l’ancien séducteur, tel le filigrane d’un billet usagé, ne se sont pas volatilisés. Certes, les femmes ne se retourneront pas sur son passage, mais il retrouve une certaine allure. » (Page 113).

« Tourneur décrit alors le marché de l’art sous un jour peu connu et peu flatteur. Ses pratiques opaques, l’anonymat des enchères, les ports francs à l’abri des regards et du fisc. Une véritable gangrène, mais une véritable pompe à recycler des fonds douteux. A tel point que certains spécialistes attribuent pour partie à ces dérives la spectaculaire flambée des prix enregistrée sur les œuvres des plus célèbres artistes. Des dizaines de millions de dollars! Ces pratiques délictueuses sont variées. La plus répandue consiste à acheter un tableau avec de l’argent sale et à le vendre ensuite aux enchères. » (Page 207).

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