Publié dans angoisse, éditions Calmann-Lévy, cadavre, crime, disparition inexpliquée, enquête criminelle, humour, Passion Cosy Mysteries, psychologie des personnages

Passion Cosy Mysteries: Les Petits Meurtres du Mardi, Sylvie Baron.

Un cosy mystery original et bien troussé, un des romans de Sylvie Baron les plus aboutis, aussi bien dans la composition des personnages que dans la construction du récit…

L’auteur:

Sylvie Baron est romancière, mais également professeur d’économie et gestion, passionnée de littérature, amoureuse des jardins à l’anglaise, de la nature et des grands espaces. C’est pourquoi elle a choisi de s’installer en  Haute Auvergne afin d’y poursuivre son travail d’écriture.

Admiratrice des « grandes dames du crime » comme Agatha Christie, Patricia Wentworth ou Patricia Mac Donald, elle a à cœur de retracer cette atmosphère si particulière des romans dits à énigme avec des personnages forts et  attachants et des intrigues diaboliques.

Ses histoires, proposant des fictions ancrées dans le présent autour de sujets d’actualité, s’inscrivent pour la plupart dans ce territoire authentique et si fort du Cantal. Depuis peu, Sylvie Baron s’essaie au Cosy Mystery avec autant de bonheur que ses autres romans.

Le roman:

Les Petits Meurtres du Mardi a été publié par les éditions Calmann Lévy en janvier 2023. Le style fluide, avec ce petit quelque chose d’intime, fait que l’on se glisse dans l’histoire avec autant de délectation que l’on chausse de vieilles pantoufles confortables ou que l’on revêt sa veste en laine préférée pour affronter les frimas hivernaux: « C’est aujourd’hui la veille du jour J. Une triomphante lumière de printemps réveille en fanfare les statues du parc, s’alanguit sur les toits bleutés, ruisselle sur le lichen doré des vieilles pierres. Le vitrail du ciel est d’un bleu cantalien, cette nuance pure et intense qu’on ne trouve qu’ici, dans cette nature préservée… » (Page 77)

Construction: de longs chapitres avec en italique les pensées des personnages.

Fil rouge: allusions aux romans d’Agatha Christie et à son univers: « Lire pour lui est un refuge, surtout Agatha Christie. Une littérature policière, certes, mais réconfortante parce que le suspense est modéré, les cadavres sont bien peignés, les figures connues, l’écriture polie et le cadre policé, avec juste cette pointe acide des raisonnements qui conduisent à la solution des énigmes et qui permettent de débattre pendant des heures. » (Page 14)…Le tout en parfaite objectivité, laissant les détracteurs s’exprimer autant que les aficionados.

L’intrigue:

Certes, les huit membres du club du mardi en connaissent un rayon sur l’œuvre et la vie de la dame du crime. Et pour cause! Leurs réunions hebdomadaires lui sont entièrement consacrées. On débat de ses lectures, on passe des heures à tenter d’élucider les énigmes, on se gargarise des mots et des expressions propres à l’écriture de la grande Agatha.

Mais à force de ressasser leur passion à huis clos, ils se disent qu’ils aimeraient la partager avec un plus grand nombre de fans, et, pourquoi pas, de moins fans. D’où l’idée d’organiser un colloque international consacré à la romancière, auquel les villageois seraient conviés. Qui se tiendrait à Marcolès, petite ville du Cantal.

Finalement, les membres du club optent pour un week-end de conférences  et d’activités littéraires, dans les locaux du château de la Rochette, sans se douter du travail colossal et du coût que représente l’organisation d’une telle manifestation littéraire. Mais les invitations sont lancées. Et le jour J arrive enfin. Cependant, il apparaît que certains intervenants ne sont pas ceux que l’on croyait, que d’autres ne sont pas là seulement par amour de romans policiers.

Qui est l’auteur du message reçu par Archie et publié dans la gazette locale? Une plaisanterie douteuse? Ou un inquiétant avertissement? Décidément, le week-end commence sous de sombres augures, avec la disparition inexpliquée d’Iris, puis une meurtre abominable, reproduisant l’intrigue du roman d’Agatha Christie Un Meurtre Sera Commis Le presque à la lettre?

Organisateurs et invités se retrouvent assignés à résidence au château , le temps que la police mène l’enquête. Et que Joanne, secondée par Archie, bien décidée à prendre les devants, découvre le coupable.

Les personnages:

Une galerie de personnages finement analysés, Sylvie Baron montrant les frustrations, les rancœurs, les ambitions et les espoirs qui animent chacun d’entre eux sur la route du crime: assassin, victime, enquêteurs, spectateurs, c’est selon…

Les membres du club du mardi:

  • Odile Lavergne: bibliothécaire de Marcolès; femme empathique, qui sait écouter les autres, naturellement bienveillante, a les pieds sur terre, mais un peu naïve.
  • Pierrette Bozoul: doyenne du club, impotente, se déplace en fauteuil roulant; esprit vif, langue bien pendue, yeux fureteurs, l’une des commères du village; bonne cuisinière, ancienne propriétaire de l’épicerie-mercerie du village, elle connaît tout le monde.
  • Philippe Dessart: professeur de collège à la retraite, plus éminent membre du club; a une haute opinion de lui-même, un peu condescendant, se donne des airs de gentleman anglais.
  • Archibald de La Rochette: l’aristocrate du club, cultivé et érudit, le chéri de ses dames, vivant au jour le jour, il n’a pas les moyens d’entretenir son château; gère un élevage de chartreux, passionné de lecture; naturellement déférent, cherchant toujours à ménager les autres.
  • Bernard Poisson: pharmacien; divorcé; homme timide et effacé, calme, compétent, rassurant, parle peu mais sait écouter.
  • Iris Santoire: femme au foyer, épouse d’un artisan plombier; romanesque, fleur bleue, incorrigible rêveuse; mère de quatre enfants, mordue de lecture, les réunions du club sont sa seule bulle, son moment à elle.
  • Joanne Servier: aime donner des coups de pied dans la fourmilière; jeune femme fantasque, indépendante, fougueuse, beaucoup de charme sans être jolie, insaisissable et dérangeante; travaille dans la fabrique de chaussures à semelles de bois.
  • Eliot Servier: jeune frère de Joanne; lycéen secret et intuitif, plus jeune membre du club; intelligent, curieux, adore lire presque autant qu’il adore sa sœur.

Les invités:

  • Maud Travers: psychologue, conférencière, spécialiste du crime; n’a pas froid aux yeux.
  • René Tropor: ancien acteur de théâtre, naturel accommodant.
  • Irène Tropor: épouse de René; ancienne costumière.
  • Annabelle Fontange: biographe officielle d’Agatha.
  • John McGregor: psychologue écossais de renom; parle bien français; bon vivant, aime la bonne chère, l’alcool et les femmes; homme raffiné, intelligent, mais aussi égocentrique et cavaleur.
  • Dominique Poisson: cousin de Bernard, spécialiste des poisons; homme doux et discret.
  • Denise Leblanc: assistante et remplaçante d’Annabelle Fontange; habile, rusée, un rien manipulatrice.

La police: 

  • Lionel Hugon: commandant de la communauté de brigades de Montsalvy-Puycapel; chargé de l’enquête.

Les lieux:

Marcolès: petite cité de caractère de six cents habitants, nichée au fin fond de la Châtaigneraie cantalienne, au sud du département du Cantal, qui a conservé de son riche passé médiéval ses portes et de nombreuses anciennes maisons: « …Des carrieroux, ces ruelles typiques de l’époque médiévale, jusqu’aux porches, murets, lauzes, pierres, celliers aux marches abruptes et portes fortifiées aux archères cruciformes, rien ne jure, tout s’assemble, se fond et se déploie dans un gris pailleté unique, couleur d’écorce, de nuage et de brouillard mouillé. » (Page 262) =>Que voilà une description lyrique, qui donne envie de se perdre dans ces ruelles aux couleurs d’une richesse incomparable, vêtu d’une longue cape de laine, faisant résonner les antiques pavés du bruit des sabots de notre cheval. Il est tellement facile avec l’écriture de Sylvie Baron de se laisser porter sur les ailes de l’imagination romanesque!!

Le château de La Rochette: « Sa demeure, comme lui, fait corps avec le paysage auvergnat, elle en a le visage, l’accent et la force…Son château est chargé d’histoire et de légendes. A sa façon, il a su résister au temps grâce à la solidité du granit, cette indestructible pierre du pays qui ne s’effrite ni se désagrège et que le gel ne fait pas éclater comme le vulgaire calcaire tendre de Bourgogne. » (Page 39). Bien sûr, le château montre des signes de décrépitude, mais il a encore fière allure, entouré de son bois de pins et de feuillus, sa majestueuse allée bordée de tilleuls centenaires, le pont de pierre qui enjambe le ruisseau du Garouste. Quant à l’intérieur, c’est une autre histoire…

La Châtaigneraie cantalienne: je laisse la parole à Sylvie Baron qui saura mieux que moi décrire cette région magique, pleine de charme et de mystère: « pays des rivières roses et des ravins gris, suscite toujours ne impression de paix et de grandeur.

En conclusion:

Les Petits Meurtres du Mardi, un clin d’œil tendre et malicieux à la reine du crime. Non pour la copier, mais pour sublimer son œuvre, donner envie de la re-découvrir; de se plonger dans ses énigmes si bien ficelées. Quelle gageure que de s’inspirer d’un de ses romans les plus aboutis! Mais Sylvie Baron relève le défi avec finesse et brio, sachant imposer son style en toute humilité, dans cette histoire qui suggérée par le roman Un Meurtre Sera Commis Le. Mais l’inspiration s’arrête aux marches du château de La Rochette où Sylvie Baron déroule son intrigue originale et bien ficelée: des personnages complexes évoluant dans le cadre inhabituel d’une manifestation littéraire, en plein cœur de ce Cantal qu’elle affectionne tant; des lieux enchanteurs; des rebondissements, de fausses pistes, plus de mobiles que nécessaires. Pour finalement aboutir à une conclusion que je n’avais pas vraiment vue venir. Même si je nourrissais quelques soupçons. Je vous mets au défi de stimuler vos petites cellules grises et de résoudre cette affaire et de découvrir l’assassin.

Et toujours cette empathie et cette énergie qui donnent aux romans de Sylvie Baron leur touche personnelle et originale. Ce style dynamique incomparable qui les rend si attachants, qui nous booste, nous insuffle joie de vivre et envie de braver les obstacles qui, comme le dit Miss Lemon, sont faits pour êtres franchis…

Citations:

« Des âmes en peine, on en trouve partout, autant à Marcolès que dans les autres bourgades. Des timides, de rejetés, des incompris, des solitaires, des aigris, des gens qui s’ennuient et ont tout simplement besoin d’exister. ceux-là mêmes que captent en général les réseaux sociaux. » (Pages 10-11)

« Aujourd’hui, Archie semble avoir perdu définitivement tout sens de l’humour. En le regardant attentivement s’asseoir à côté d’elle, Jo le trouve brusquement vieilli. C’est subtil, ça tient à presque rien, et pourtant! Des traits plus marqués, une brume de tristesse au fond des yeux, des cernes bleuâtres, une posture moins impertinente, comme repliée sur une espèce de tourment intérieur. » (Page 180-181).

« A l’heure des bilans, au mitan de la vie, il a choisi l’impossible, jouer les barrages, arrêter le cours des jour. La vraie grandeur est celle de l’ascèse. Accomplissement rime avec renoncement. Et seul le dépouillement, au propre comme au figuré, permet d’entendre les battements de son cœur. Avoir du temps représente désormais pour lui le privilège sublime, celui qui justifie tous ses renoncements. Bien plus que son ascendance ou son titre, cette façon de vivre le différencie de la plupart de ses contemporains. » (Page 239)

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