Publié dans éditions J'ai Lu, cadavre, crime, Passion polar

Passion polar: Falaise Fatale, Robert Thorogood.

Seconde enquête sous les tropiques de l’inspecteur Richard Poole: comme quoi humour et enquête policière peuvent faire bon ménage…

L’auteur:

OIPRobert Thorogood est un scénariste et romancier britannique né en 1972 à Colchester, ville du comté d’Essex située sur la côte est. Il est le créateur de la série de BBC One «  Meurtres au paradis » récompensée par l’award français ‘ En route to France’ en 2012.

Thorogood a fait ses études à la Uppingham School dans le Rutland ( comté des Midlands) où il a rencontré sa future femme, la présentatrice de radio de Classic FM  Katie Breathwick. Il a étudié l’histoire au Downing College de Cambridge où il a fait une tournée avec la troupe de comédiens Footlights en 1993 et a été nommé président des élèves en 1994. Peu de temps après avoir quitté Cambridge, Thorogood a monté une compagnie de théâtre qui fit des tournées dans de petits théâtres et des écoles, le point culminant étant la production de L’Avare, pièce de Molière qu’il a mise en scène et dans laquelle il a joué avec Robert Webb, David Mitchell et Olivia Colman.

Thorogood a écrit pendant de nombreuses années – proposant des scripts à la BBC, à ITV ainsi qu’à des compagnies de films indépendantes – mais avant 2011 le seul de ses scriptes qui a été produit était un téléfilm d’après-midi de Radio 4 appelé  De l’abstraction sur la vie du mathématicien Paul Wolfskehl.

En 2008, Thorogood participa à la première édition du Red Planet Prize et termina finaliste. Il présenta son idée pour ‘ Meurtre au paradis’ à Tony Jordan. En 2011, la série vit le jour. Il a écrit cinq épisodes de la première saison de Meurtres au paradis. Le premier épisode fut diffusé en Novembre 2011 pour une audience de presque 6 millions de téléspectateurs. Le premier épisode de la deuxième saison fut diffusé en 2013 pour une audience de 7 millions de téléspectateurs. Thorogood a écrit deux autres épisodes de la saison 2, trois de la saison 3 et un épisode pour chacune des autres saisons, exceptée la saison 10.

En Janvier 2014, il a été annoncé que Thorogood avait signé un contrat avec MIRA / Harlequin pour écrire trois romans mettant en scène Richard Poole. Le premier des trois, Meurtre avec (pré) méditation, a été publié en broché en Janvier 2015 et en poche en Mai 2015. Le second , Falaise Fatale, a été publié en broché en Décembre 2015 et en poche début 2016. Le troisième Death knocks twice ( La mort frappe deux fois ) – a été publié en broché en Juillet 2017 et en poche en Octobre 2017. Murder in the Caribbean, le quatrième roman, a été publié en Décembre 2018.

En 2020, il fut annoncé que Thorogood était en train d’écrire un nouveau roman de mystère, The Marlow Murder Club. Le roman se concentre sur un groupe de vieilles femmes qui forment un club qui enquête sur une série de meurtres. Il a été publié en Janvier 2021 avec de très bonnes critiques et a été choisi comme livre du mois par l’association des libraires. Une suite sera publiée en Décembre 2021.

En 2018, il fut annoncé que Thorogood allait adapté ‘Trackers’, une nouvelle série télévisée se passant en Afrique du Sud et une adaptation du roman ‘Trackers’ de Deon Meyer. Tout comme ‘Meurtre au paradis’ était la première collaboration entre la BBC et France Télévision, Trackers est la première co-production entre M-Net en Afrique du Sud, ZDF en Allemagne et Cinemax – la petite sœur de la chaîne américaine HBO.

Le roman:

téléchargement (1)Falaise fatale, The Killing of Polly Carter dans la version originale parue en 2021, a été publié par les éditions J’ai Lu en 2021. Le roman est tiré de la célèbre série télévisée Meurtres au paradis créée par Robert Thorogood. C’est le second tome de la série littéraire. Le style est fluide, alternant des phrases courtes avec d’autres plus longues, créant un rythme alternatif tout à fait original. Ajoutez à cela une touche « so british » et vous serez conquis: « Sophie ne l’appréciait guère, mais elle se força à le saluer alors qu’il s’éloignait en lui tournant le dos. Par chance, Max ne l’entendit pas -ou il feignit de ne pas l’entendre- et elle le regarda grimper en haut des marches avant qu’il disparaisse, supposa-t-elle, dans sa chambre. Elle s’apprêtait à s’engager elle-même dans l’escalier, lorsqu’elle entendit un cri provenant de l’extérieur. C’était une voix de femme.  » (Page 13).

Construction: une mise en scène soignée assortie de nombreux dialogues et d’aussi nombreux détails utiles à la compréhension de la situation: « Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle se tourna vers Richard pour le regarder. Elle orienta ensuite son fauteuil face à lui -ou du moins, elle essaya. Richard remarqua que le petite roue gauche à l’avant de son fauteuil semblait s’être momentanément coincée. Finalement, dans un grincement de protestation, elle se débloqua et se remit à rouler correctement, et Claire put s’avancer vers l’inspecteur. » (Page 125)…

Fil rouge: les péripéties de Richard Poole avec « son » lézard.

L’intrigue:

Après une violente dispute avec sa sœur jumelle Claire, Polly, mannequin à la réputation internationale, tombe de la falaise qui borde son domaine pour échouer trente mètres plus bas. Suicide? Accident? Meurtre? Toutes les hypothèses sont ouvertes bien que certains détails troublants évoqueraient plutôt la troisième solution: « Les traces verdâtres sur les deux mains de la victime et à l’intérieur de ses avant-bras laissaient penser qu’en toute vraisemblance elle avait tenté de s’accrocher à la végétation avant de tomber. Sans compter la profonde entaille sur son avant-bras gauche. » (Page 30). Qui avait intérêt à la tuer?

Sur ces entrefaites, Jennifer, la mère de Richard, qui n’a jamais, en quarante-quatre ans, passé une seule nuit loin de son mari, débarque à Sainte-Marie pour deux semaines de vacances. Seule. Que se passe-t-il entre ses parents? Question qui, malgré l’enquête qu’il doit mener, le taraude et l’empêche de se concentrer comme il le devrait.

Richard apprend que, l’année passée, Polly a fait une overdose qui faillit la tuer. Et que sa sœur Claire et Sophie son infirmière ont séjourné chez Polly juste avant qu’elle ne fasse son overdose. Pourquoi Claire est-elle venue alors que les deux jumelles ne s’entendaient pas du tout? Cette visite a-t-elle un lien avec l’overdose?

Convaincu que la clef de l’énigme réside dans la personnalité de la victime, Richard ordonne la fouille de sa chambre, seule pièce ordonnée de la maison alors qu’ailleurs règne une pagaille indescriptible. Qui a mis la chambre de Polly sur écoute? Et pour quelle raison? Comment le tueur a-t-il pu savoir qu’il devait se tenir dans l’escalier da la falaise au moment précis où Polly s’apprêtait à descendre? Comment a-t-il pu s’évanouir dans la nature juste après avoir commis son forfait? Est-ce lui qui a envoyé les lettres de menace à Polly? Ou quelqu’un d’autre? Autant de questions auxquelles Richard et son équipe devront répondre avant qu’un autre drame ne se produise.

Les personnages:

  • Richard Poole: inspecteur-chef en poste à Sainte-Marie; un homme pétri de principes peu applicables dans le climat des Caraïbes; de nature anxieuse et craintive; bougon, n’a pas d’humour.
  • Camille Bordey: travaille avec Richard; jeune femme spontanée et passionnée, cherche toujours à voir le meilleur chez les autres; Française.
  • Fidel Best: sergent de police; soucieux du respect des procédures, jeune homme timide.
  • Dwayne Myers: agent de police; ne manifeste aucun respect pour les procédures; caractère nonchalant; fréquente assidûment les mêmes bars que tous les escrocs et trafiquants de l’île.
  • Polly Carter: mannequin à la réputation internationale âgée de quarante ans; nature impétueuse, irresponsable, dotée d’un sens de l’humour mordant, trop naïve à certains égards.
  • Claire: sœur jumelle de Polly, invalide; tout le contraire de sœur: très raisonnable, prend la vie très au sérieux.
  • Sophie Wessel: infirmière de Claire; attentive et indifférente, très professionnelle.
  • Max Brandon: agent de Polly; Polly étant sa seule cliente, il n’avait peut-être pas intérêt à la tuer.
  • Phil Adams: réalisateur, issu d’une famille prestigieuse; ses derniers n’ont pas eu le succès escompté.
  • Alain Moreau: gardien de la propriété de Polly; se montre docile avec sa femme.
  • Juliette: son épouse; femme habituée à obtenir ce qu’elle veut.
  • Jennifer: mère de Richard; maniaque, extravertie; sa perfection en tout épuise son fils.
  • Graham: père de Richard; ex-directeur des forces de police du comté de Leicestershire; très exigeant avec son fils.

Les lieux:

Des décors soignés, très évocateurs, retraçant parfaitement l’atmosphère de l’île Sainte-Marie, avec ses couleurs, ses parfums, ses paysages exotiques.

Scène de crime: Polly est tombée du haut de la falaise qui borde sa propriété, alors qu’elle descendait les marches de pierre qui formaient une succession d’amples lacets pour atteindre la plage trente mètres plus bas. L’endroit, avec ses marches grossièrement taillées dans le roc, et malgré un petit renfoncement poussiéreux rempli de broussailles et d’épines longeant l’escalier, est particulièrement dangereux, ce qui ne pouvait échapper au meurtrier.

Maison de Polly: une maison encombrée de toutes sortes d’objets et de meubles aussi hétéroclites qu’inutiles, poussiéreuse; curieux décor pour cette villa nichée au cœur d’une jungle magnifique, construite en haut d’une falaise surplombant l’océan, mise en valeur par ses volets orange, sa porte d’entrée bleue et son toit de tuiles rouges

Le climat:

Composante indispensable pour saisir le comique du roman car, contrairement à ce que pensent la plupart des gens, les Caraïbes ne constituent en rien une destination de vacances idéale, ses particularités s’avérant rapidement insupportables, encore moins pour y vivre…En tout cas, selon l’avis de Richard Poole, qui ne s’y habitue pas: « Ou plutôt, il essaya d’ouvrir la porte, mais comme d’habitude, elle était bloquée par un amas de sable qui s’était formé de l’autre côté. Richard le savait, c’était là l’une des innombrables particularités des Caraïbes qui lui gâchaient la vie. Une légère brise et une journée ensoleillée -et ce fichu soleil brillait en permanence-suffisaient pour que les grains de sable se soulèvent sur la plage et viennent s’amonceler en véritables dunes contre les murs de sa cabane…Ebloui par le soleil qui l’inonda soudain, il esquissa un mouvement de recul. Il ne s’était jamais habitué à l’intensité de la lumière dans les Caraïbes. » (Page 21)… »Sous les tropiques, il n’y a pas de saisons comme il en existe au Royaume-Uni. Il n’y a pas de jonquilles qui poussent au printemps et qu’on attend avec impatience-pas de pommes de terre nouvelles, pas de fenêtre de quinze jours pour la cueillette des cerises, pas de récolte des champs de blé en septembre et aucune feuille d’automne. Jamais. » (Pages 187-188).

En conclusion:

Le++: le comique de situation lié au personnage de l’inspecteur Richard Poole, un homme grincheux pétri de principes, qui ne supporte ni le climat ni les mœurs des Caraïbes, donne au roman sa touche d’originalité: « Au moment même où Claire se hâtait vers la maison et où Sophie retournait le corps de Polly Carter pour tenter de lui administrer les premiers secours, Richard Poole se trouvait à l’intérieur de sa cabane et prenait une douche. Plus exactement, comme le mitigeur qui assurait l’alimentation en eau passait de façon imprévisible d’un jet froid à un jet bouillant, il essayait de choisir le bon moment pour se placer sous le pommeau afin de pouvoir se laver les cheveux sans finir brûler au troisième degré. » (Pages 16-17)…Le summum étant atteint avec ses relations compliquées avec son co-locataire, un lézard nommé Harry

Falaise Fatale, un délicieux mélange d’intrigue policière bien ficelée et de récit irrésistiblement drôle des aventures de l’inspecteur Richard Poole, échouée dans cette antichambre de l’enfer que l’on appelle les Caraïbes. Une lecture divertissante à souhait, qui vous fera passer un moment de lecture très agréable.

Citations:

« Devant la vision de son chef qui, vêtu de son costume en laine, essayait de retirer des épines de la paume de sa main alors qu’il se tenait au beau milieu d’un chemin à flanc de falaise dans la chaleur étouffante des Caraïbes, elle ne put s’empêcher qu’il était l’un des hommes les plus extraordinaires qu’il lui ait été donné de rencontrer. Bien qu’elle le trouve obstiné, arrogant et incapable de manifester la moindre chaleur humaine, il était impossible de nier ses qualités d’enquêteur. » (Page 61).

« Tout en posant cette question, il se tourna vers les  notes que Camille et lui avaient écrites sur le tableau blanc du bureau. Une fois encore, il fut saisi d’une envie presque physique de rentrer au Royaume-Uni. Car au Royaume-Uni, il y avait des salles de réunion équipées de systèmes d’air conditionné. Ici, l’air était seulement conditionné par la chaleur étouffante qui régnait en permanence. Au Royaume-Uni, il y avait des salles audiovisuelles avec des écrans tactiles sur les murs. Ici, il n’y avait qu’un vieux tableau blanc monté sur un chevalet. Là-bas, un réseau national recensait des milliers d’agents des forces de l’ordre alors que sur Sainte-Marie, Richard avait toujours l’impression qu’il ne pouvait compter que sur eux quatre pour résoudre chaque affaire. » (Pages 90-91).

« Il avait vaguement conscience qu’en dehors d’ici il existait un monde d’opulence, de frénésie et de notoriété. Pourtant, il pensait que les personnes qui déployaient autant d’efforts pour prospérer et s’offrir une vie meilleure passaient à côté de l’essentiel, qui n’avait rien à voir avec l’argent ou la gloire. Non, songeait Dwayne, la vie consistait avant tout à savoir qui on était et d’où on venait, et à être en paix avec cela.  » (Page 122).

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