Publié dans éditions 10/18, éditions JC Lattès, cadavre, crime, littérature suédoise, Passion polar nordique

Passion polar nordique: Ombre et Soleil, Ake Edwardson.

Troisième enquête du charismatique commissaire Winter dans une intrigue aussi complexe que captivante dans une atmosphère de fin du monde…

L’auteur:

Ake Edwardson est un journaliste, professeur de littérature à l’université et romancier suédois né à Goteborg le 10 mars 1953 à Eksjo, petite ville située dans le comté de Jonkoping correspondant au nord de la province du Smaland, dans le sud du pays. Il vit à Goteborg, sur la côte occidentale du pays. Spécialisé dans le roman policier, Ake Edwardson écrit également pour la jeunesse. C’est en 1995 qu’il commence à écrire la série de romans mettant en scène le commissaire Erik Winter.

polar suédois

Le roman:

Ombre et Soleil, Sol Och Skugga dans la version originale parue en 1999, traduit par Anne Gibson, a été publié par les éditions J-C. Lattès en 2004, puis par les éditions 10/18 en 2005 dans la collection Grands Détectives. Le style fluide permet de suivre aisément une intrigue complexe, qui se déploie lentement, accentuant la sensation que tout est en suspens. Et de ce fait, il ne se passe quelque chose de concret qu’à la page 145. =>Tension dramatique qui monte crescendo: à chaque chapitre, le lecteur se demande quand ce qu’il pressent va se produire.

Construction: les nombreux chapitres du récit se déclinent par ordre chronologique selon les mois de l’année, de octobre à avril. Afin d’entretenir le suspense, certains chapitres se terminent de façon abrupte pour ne reprendre le fil que quelques pages plus  loin: « -Je ne comprends pas le rapport avec …l’affaire, dit Erika Elfvegren. -Racontez-nous encore une fois comment vous vous êtes rencontrés, insista Halders. »

Fil rouge: nombreuses allusions musicales comme toile de fond: « Winter aimait le jazz. Winter écoutait plus de jazz maintenant qu’il avait commencé à écouter du rock »… »La musique remplissait l’appartement (…)les guitares étaient comme broyées sous une meule, les basses, les percussions (…) le batteur semblait se débattre en pleine crise d’épilepsie (…) le chanteur ne sifflait plus, il hurlait à pleins poumons. » (Page 148)…Charlie Haden et Pat Metheny jouaient Message to a friend en sourdine. » (Page 346)

L’intrigue:

Erik Winter se rend en Espagne au chevet de son père très malade. Les agissements de plusieurs inconnus désignés par « Il » ou par « Elle ». Morelius et Bartram en patrouille. =>Trois histoires parallèles, trois fils d’intrigue qui se dévident chacun de son côté pour se rejoindre…Quand? Comment?

A peine arrivé sur la Costa del Sol, son père meurt. A son retour en Suède, on découvre, près de chez lui, un couple assassiné dans leur appartement où un enregistrement d’une musique qui ressemble à du heavy metal tourne en boucle. Sur un mur de la pièce figure une inscription mystérieuse

Alors que la ville se prépare au passage de l’an 2000, Erik Winter dirige l’enquête tout en se préparant à changer de vie : en effet, il attend un enfant avec sa compagne qui s’installe avec lui dans son appartement. C’est alors qu’un second couple agressé est retrouvé par un porteur de journaux.

Les lieux:

Entre Ombre et Soleil, le commissaire Winter, au patronyme très évocateur, évolue sur deux tableaux: sa vie privée avec son voyage en Espagne au chevet de son père, sa vie professionnelle à Goteborg, en plein hiver, avec l’enquête qu’il dirige sur les meurtres de couple. Le contraste entre ces deux univers radicalement opposés constitue la trame de Ombre : « Ils prirent la route du centre, en passant par l’école d’ingénieurs de Chalmers et l’hôpital Vasa. La pluie tombait dru. Les lampadaires en devenaient flous, comme enveloppés de nuit. Bartram s’arrêta au feu rouge…Morelius ajusta la radio. Ils écoutèrent les rares appels. Un vieil homme désorienté, disparu pendant quelques heures du côté de Anggarden, avait été retrouvé sain et sauf. Une discussion animée dans un appartement de Kortedala avait pris fin avec l’arrivée des collègues. Un ivrogne appuyé contre un tramway à l’arrêt était tombé lorsque le tramway avait redémarré. » (Page 16)…

Et Soleil: « Il traversa des faubourgs. Les immeubles étaient noirs sous le soleil. Le béton faisait des taches de lumière derrière le linge suspendu aux fenêtres obliques. Il vit des champs abandonnés, où quelques chiens errants se pourchassaient entre des tas de détritus…Il regarda par la fenêtre, vit les palmiers et les pins de l’autre côté de la cour, sur le parking, le paysage derrière les arbres, des champs bruns vallonnés, un village blanc. Au fond, un massif montagneux dont le sommet touchait presque les rares nuages. » (Pages 41-48).

En conclusion:

L’action de Ombre et Soleil se situe au début de l’hiver, au moment où les gens préparent les fêtes de fin d’année, occasion pour Ake Edwarson de dépeindre un aspect de la société suédoise, ses traditions culinaires et culturelles, donnant au roman une vie propre, un peu comme une invitation discrète: « Le jambon était sur la table, et un parfum d’épices flottait dans l’air. Le lutfisk (morue préparée dans un bain de soude qui figure traditionnellement sur la table de Noël) trempait dans une grande marmite. Elle ouvrit la porte du four pour vérifier la cuisson du gratin aux anchois. » (Page 322)…Qui n’a pas rêvé d’un vrai Noël blanc…: »La route était praticable. La neige tombait toujours mais moins serrée que tout à l’heure. Le crépuscule descendait. Le jour abandonnait la partie et il le comprenait. Les congères au bord de la route étaient gigantesques par endroit; ailleurs, elles avaient été érodées par le vent qui balayait les champs. Sur une centaine de mètres, elles formaient comme un mur. » (Page 339).

Un roman construit d’une façon déroutante, entretenant le suspense jusqu’au bout. Jusqu’à la dernière page, l’auteur entretient la confusion quant à l’identité du véritable meurtrier: deux possibilités subsistent. Mais les indices sont répartis habilement de façon à équilibrer la balance et à faire pencher les soupçons d’un côté et de l’autre alternativement. A vous de relever le défi!!!

Citations:

« Patrick avait suivi le regard de Maria. Le soleil était intense. Il balayait la neige. Comme une lampa. Il pensa à la  lumière bleue et jaune dans la cage d’escalier, aux journaux, à cette saleté de musique qui haletait là-dedans, lorsqu’il avait soulevé le rabat de la fente du courrier. Mais il y avait aussi autre chose. Il y avait autre chose. C’était là, quelque part dans sa tête, cette image, ce souvenir plutôt. Quelqu’un qu’il avait déjà vu quelques semaines auparavant. » (Page 190).

« Elle enleva ses bottines, éclaboussant d’eau sale le parquet de l’entrée. Winter le vit mais ne dit rien. Angela suivit son regard et leva les mains au-dessus de la tête. -Ca ne se reproduira pas, dit-elle. -Quoi donc? -J’ai vu ton coup d’œil. -Et alors? -Comment cela va-t-il finir? Dans quel état sera mon parquet quand elle aura emménagé ici pour de bon. -Bah… »

« Nouveau frottement contre les dalles. Des pas qui s’éloignaient. Elle entendit le vieil ascenseur se hisser à grand peine et s’immobiliser. A son étage. Bruit rapide de la draperie métallique, aller et retour. L’ascenseur redescendit. Angela se tenait derrière la porte. Elle jeta un coup d’œil par le judas et vit le palier en perspective grotesque du grand angle, mais il n’y avait personne. La lumière était encore allumée sur le palier. En ouvrant la porte, elle découvrit un peu de gravier noir et une petite flaque d’eau qui brillait à la lumière.  » (Page 125).

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