Publié dans Angleterre, angoisse, maltraitance, Passion thriller

Passion thriller: Derrière les portes, B.A. Paris.

L’auteur:

D’origine franco-irlandaise, B.A. Paris est née en 1958 en Angleterre. Elle vit en France depuis l’âge de 21 ans. Elle a travaillé dans la finance puis comme professeur, mais l’écriture a toujours tenu une grande place dans sa vie.

Elle est mère de cinq filles et vit en France. Elle vient de publier un second thriller, intitulé The Breakdown qui paraîtra en France en janvier 2018.

Interview pour « Derrière les portes »

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Le roman:

Derrière les portes, dont le titre original Behind Closed Doors est paru en Angleterre en 2016, a été édité en France en janvier 2017 par les éditions Hugo, dans la collection thriller dirigée par Bertrand Pirel. Meilleure vente d’e-books en Angleterre en 2016. Il est prévu qu’il soit traduit en 33 langues

Premier roman publié de B.A. Paris, il a obtenu un énorme succès en Angleterre où il s’est vendu à près d’un million d’exemplaires. Derrière les portes est un thriller psychologique construit en chapitres effectuant des allers-retours entre le passé et le présent, comme une trame déroulant ses fils et emprisonnant sa proie dans sa toile.

Les thèmes:

Connaît-on vraiment ses amis, ses proches, ceux avec qui on vit? Toute l’intrigue tourne autour de ce constat, qui semble tout à fait anodin . B.A. Paris développe ce thème en montrant combien les apparences peuvent parfois être trompeuses, que « l’habit ne fait pas toujours le moine »:car, comme Jack, nous avons tous notre côté sombre; reste à savoir quelle place il occupe dans notre cœur et dans notre âme et, surtout, ce qu’il cache et comment il se manifeste..violence domestique

La maltraitance: le thème de la maltraitance tient une place importante dans ce roman. Bien que le personnage principal féminin soit victime de maltraitance, B.A. Paris voulait rappeler que les violences domestiques ne touchent pas uniquement les femmes mais également les hommes.

Autre thème: la différence, le droit de chacun à avoir une vie heureuse, peu importent les handicaps. Millie, la sœur trisomique de Grace, a été rejetée par sa mère qui ne voulait pas assumer le poids d’une enfant anormale, incapable, pense-t-elle, d’apprendre à se débrouiller comme les autres enfants, totalement dépendante de son amour et de ses soins. A cause de cet abandon, Millie a été contrainte de vivre dans un institut spécialisé en attendant que Grace puisse la prendre avec elle.trisomie Pourtant, cette jeune fille se révèle étonnante, pleine de fraîcheur, de joie de vivre et d’amour, mais aussi capable de clairvoyance à certains moments; n’oublions pas que c’est elle qui apportera l’espoir à Grace et le moyen de s’en sortir.

L’intrigue:

Jack et Grace, jeunes mariés, reçoivent leurs plus proches amis et leurs nouveaux voisins dans leur somptueuse demeure. En apparence, il s’agit d’un simple dîner dont le but est de faire plus ample connaissance avec Rufus et Esther, nouvellement installés dans la région. Pourtant, les choses ne semblent pas aussi lisses qu’elles en ont l’air. De petites phrases, disséminées çà et là, ne tardent pas à intriguer le lecteur et à allumer la petite ampoule rouge quelque part dans son esprit: « Consciente que Jack surveille mes moindres paroles, je devine qu’il se demande ce que je mijote ». (Page 12)… »Comme je ne peux me permettre de décevoir Jack, je plaque un sourire de circonstance sur mes lèvres… » (Page 7)… »Un instant, une bouffée de panique me submerge à la perspective de commettre un faux pas. Mais, me rappelant que la peur est mon pire ennemi, je m’exhorte au calme… » (Page 11).

Peu à peu, à la lumière des chapitres alternant passé et présent, on comprend que la situation est loin d’être aussi normale, que le couple n’est pas du tout ce qu’il paraît, et les questions ne manquent pas: pourquoi Grace ne sort-elle jamais sans son mari? La chute de Millie, au bras de Jack, du haut du perron le jour des noces est-elle accidentelle ou intentionnelle? Pourquoi les parents de Grace précipitent leur départ en Nouvelle-Zélande? Quels secrets se cachent derrière cette façade lisse, derrière les portes closes et le mur d’enceinte de la magnifique maison de Jack et Grace?villa de luxe

Les personnages:

  • Jack Angel: avocat brillant, défenseur des femmes battues et des opprimés, il n’a jamais perdu un procès; âgé de 40 ans, bel homme, « allure de star de cinéma », très pointilleux sur l’étiquette; esprit retors, a prévu son plan très longtemps à l’avance et machiavélique: « La peur, a-t-il chuchoté. Rien ne l’égale. J’adore ses manifestations, j’apprécie les émotions qu’elle déclenche, je raffole de son parfum. Mais par-dessus tout, j’aime les bruits qui l’accompagnent. » (Page 162).
  • Grace Angel: narratrice, épouse de jack, sœur de Millie; âgée de 35 ans; avant de se marier, elle était acheteuse chez Harrods qu’elle approvisionnait en fruits venus d’Argentine et du Chili. Personnage très intéressant, plein de ressources mentales malgré son apparente apathie à certains moments, capable de se dépasser pour l’amour de sa sœur trisomique. C’est une femme courageuse, combattante, bien décidée à se sortir de ce cauchemar qu’est devenue sa vie: « …évitons de nous projeter trop loin, avançons pas à pas et concentrons-nous sur l’instant présent. » (Page 227)…Preuve que l’idée selon laquelle les victimes de violences domestiques sont toujours faibles et sans éducation est complètement fausse.
  • Diane: épouse d’Adam et amie du couple. Personnage secondaire assez falot, superficiel.
  • Adam: époux de Diane, avocat dans le même cabinet que Jack. Se révèle un peu plus consistant dans la dernière partie du roman.
  • Esther: épouse de Rufus, nouvelle voisine du couple; mère de deux enfants; grande, blonde, mince et réservée; plus fine et plus intéressante que Diane: a senti que quelque chose ne tourne pas rond dans le couple Jack/Grace.
  • Rufus: époux d’Esther; fréquente le même club de golf que Jack. Personnage secondaire n’ayant aucun rôle dans le récit.
  • Millie: sœur trisomique de Grace; personnage plein de vie, très attachant; bien plus intelligente et intuitive que son handicap le laisse supposer; très proche de sa sœur.
  • Janice: auxiliaire de vie de Millie; jeune femme dévouée, très attachée à sa patiente.
  • Madame Goodrich: directrice de l’établissement où Millie est placée depuis sept ans.
  • Couple Jack/Grace: le couple, véritable clef de voûte du roman, joue le rôle d’un personnage à part entière; se sont rencontrés dans un parc à Londres; Grace tombe aussitôt amoureuse de ce bel homme aux manières parfaites, très gentil avec Millie; au début, elle ne se formalise pas que Jack organise toute leur vie sans jamais la consulter ( par exemple, leurs sorties, l’achat de leur maison, les amis qu’ils reçoivent); elle semble ne plus avoir de vie propre: elle n’a pas de téléphone portable ni d’adresse mail personnels. Tout bascule le soir de leur mariage, quand Jack disparaît jusqu’au lendemain sans rien dire. => Peu à peu, le doute s’installe…

Les lieux:village anglais

Même la description de la maison, dès les premières lignes du roman, est pour le moins intrigante: « Située sur un vaste terrain en lisière du village, elle offre à Jack à la fois l’intimité dont il a tant besoin et le privilège de posséder la plus prestigieuse demeure de Spring Eaton. La plus sécurisée aussi. Un système d’alarme compliqué la protège, de même que des volets roulants en acier aux fenêtres du rez-de-chaussée. » (Page 8).

D’autres lieux symbolisent l’enfermement dans lequel Grace est prise au piège: le balcon de la chambre d’hôtel à Bangkok; la chambre-cellule dans laquelle Grace passe le plus clair de son temps; la chambre rouge installée dans le sous-sol de leur maison. Et puis, symbolisant la lumière d’une vie libre, la croyance qu’il existe malgré tout une possibilité de s’échapper, même infime, le lac et le restaurant où Jack emmène Grace et Millie déjeuner et se promener, certains dimanches. Ainsi que le magnifique jardin de leur demeure que Grace peut apercevoir derrière les barreaux de sa chambre.

Mon avis:

Derrière les portes ou comment décortiquer le phénomène physique de la peur. Voilà un ambitieux projet ingénieusement mis en scène par B.A. Paris dans une construction alternant les allers retours entre passé et présent. J’avoue que c’est le seul aspect du roman qui ne me convainc qu’à moitié car il diminue l’effet de suspense. En effet, c’est en lisant les passages intitulés « passé » qu’on comprend que Grace n’a pas réussi dans ses tentatives d’échapper à son bourreau. On sait à l’avance que les subterfuges mis au point pour s’échapper sont voués à l’échec et qu’on la retrouvera plus engluée que jamais dans les griffes de son mari psychopathe.images (4)

Ceci dit, B.A. Paris a admirablement construit son scénario afin de montrer qu’à tout moment les choses peuvent basculer vers l’enfer: « La perspective des deux semaines à venir en compagnie d’un homme qui était devenu un parfait étranger me terrifiait (…)Au contrôle des passeports, je n’ai pu me débarrasser du sentiment que j’étais en train de commettre l’erreur de ma vie. »  (Page 92). Voilà où réside la force de l’auteur: manipuler le lecteur qui se demande constamment à quel moment, et surtout comment,  Grace va-t-elle trouver les ressources pour se sortir de ce piège terrifiant? Car plus on avance dans la lecture, plus le piège se referme inexorablement. Et là où je tire mon chapeau à B.A. Paris c’est le coup de théâtre final auquel je ne m’attendais pas du tout…

Mais le remarquable coup de maître de l’auteur est dans la description de la psychologie du personnage de Grace, toutes les phases du processus mental de la femme opprimée sont décrites avec beaucoup de justesse et de dignité, sans tomber dans le pathos : d’abord le processus de culpabilisation face au revirement à 180 degrés de son mari, juste le lendemain de leur mariage, son incrédulité, son refus de croire qu’elle se soit à ce point trompée. Puis, la révolte, les tentatives désespérées pour trouver du secours auprès des gens de l’extérieur, les subterfuges parfois très astucieux auxquels elle a recours, même s’ils échouent. Jamais elle ne s’abandonne au désespoir, même si par moment elle semble s’enfoncer dans la déprime. Enfin, la décision de s’en sortir coûte que coûte, peu importe le temps que ça prendra. Un grand moment de lecture…

Citation:violence domestique

« Le pire de ces incursions dans la normalité était l’espoir qu’elles me donnaient, dans la mesure où, en public, Jack redevenait l’homme dont j’étais tombée amoureuse. Il arrivait, quand il jouait les maris prévenants et aimants, au cours d’un dîner par exemple, que j’oublie sa véritable nature. » (Page 140).

 

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