Publié dans enquête criminelle, fantômes du passé, Passion polar nordique, polar suédois, quête du passé

Passion polar nordique: La fille du gardien de phare, Ann Rosman.

Premier roman très convaincant de la romancière suédoise Ann Rosman qui, depuis, a fait du chemin. Où il est question de la position de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale, faisant resurgir des secrets que l’on croyait enfouis à jamais…

L’auteur:

téléchargement (2).jpgAnn Rosman, née le 27 février 1973, est une romancière suédoise de romans policiers. Ayant grandi sur un bateau, elle voue une véritable passion pour la voile et pour le poète suédois Evert Taube. Spécialiste des technologies de l’information, elle commence à écrire en 2005, durant son congé de maternité. Elle vit à Marstrand, petite localité située à 30 kms à vol d’oiseau au nord-ouest de Göteborg, sur les îles de Marstrandsö et Koö, avec son mari et ses enfants.

Le roman:

La fille du gardien de phare, Fyrmästarens Dotter en version originale parue en 2009, a été publié en 2011 par les éditions Balland, collection « Littérature étrangère ». Le style est fluide, dans un langage courant sans effet particulier, car seule compte l’histoire racontée.

La construction du récit se fait sur deux niveaux chronologiques: flashs-back revenant sur certains événements de la vie de Siri survenus en 1962-1963 enchâssés dans le présent, printemps 2009, sous forme d’allers-retours.

Le thème principal évoque la position de la Suède pendant la Seconde Guerre Mondiale.

L’intrigue:drapeau suédois

Au cours de travaux de réfection de l’ancien phare de Paster Noster, les ouvriers découvrent un corps dissimulé dans une pièce scellée dans la cave, sur l’île de Hamneskar. Malgré le silence imposé par le conducteur des travaux, les deux hommes informent la police de leur trouvaille.

Carsten Heed confie l’enquête à Karin Adler, jeune recrue arrivée depuis peu dans les services de la Crim après avoir travaillé quelques années à Police Secours. Dès lors, les difficultés s’annoncent: ce week-end de printemps ayant été violent, le cadavre découvert n’est pas une priorité pour le service médico-légal de l’hôpital, mais Karin sait se faire entendre.

Finalement, il s’avère que l’homme retrouvé a été tué une quarantaine d’années plus tôt, en 1962, voire 1963. Mais pourquoi l’avoir emmuré? Pourquoi ne pas l’avoir jeté à la mer? Malgré la mise au jour d’un début de piste en la personne de Putte, capitaine de bateau, à qui son ami de jadis Karl-Axel a laissé une énigme sous forme d’une sorte de chasse au trésor découverte dans un vieux manuscrit, le commissaire clôture l’enquête, estimant qu’ils ont des affaires plus urgentes à traiter que cette vieille histoire. Mais les événements vont donner raison à l’opiniâtreté de Karin.

Les personnages:

Les personnages de ce roman se rangent en deux catégories: les personnages du présent et ceux du passé, dont certains sont à cheval sur les deux périodes.

Présent:

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Goteborg
  • Karin Adler: jeune lieutenant de police depuis peu dans les services de la Crim de Göteborg; compagne de Gorän; 32 ans, blonde.
  • Gorän: capitaine de navire marchand; compagnon de Karin.
  • Carsten Heed: commissaire de la police criminelle de Göteborg; danois d’origine.
  • Margareta Rylander-Lilja: médecin légiste; parle lentement; la cinquantaine élégante.
  • Sten Widstrand: policier de Marstrand à la retraite.
  • Markus: journaliste freelance; venu enquêter dans la région de Marstrand en quête de ses origines; beau visage, épais cheveux bruns.
  • Folke: collègue de Karin, ancien télégraphiste de la marine, remplace son équipier en arrêt maladie; peu impliqué dans son travail, pinailleur, exaspérant.
  • Per-Uno Lindblom: capitaine de bateau.
  • Marta Striedbeck: petite dame pimpante.
  • Siri: mère de Diane.
  • Waldemar: beau-père de Diane, second mari de Siri.
  • Diane: demi-soeur d’Annélie et de Tomas; travaille dans le marketing.
  • Sara: épouse de Tomas.
  • Alexander: mari de Diane; agent immobilier, riche.

Passé:

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Phare paster noster
  • Arvid Stiernkwist: premier mari de Siri, disparu en mer.
  • Siri: mère de Diane.
  • Elin Strömmer: sœur de Karl-Axel; fille du gardien de phare de Paster Noster.
  • Karl-Axel Strömmer: ami d’Arvid.

Les lieux: 

L’action se déroule sur deux lieux principaux: la petite ville de Marstrand, bien connue de l’auteure car elle y réside. C’est une habitude assez courante chez les auteurs scandinaves, particulièrement suédois, que de situer l’action de leurs romans dans leur lieu de vie: plus de réalisme, d’ancrage dans la réalité qui donne à ces romans des allures de chroniques de presse.

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Marstrand

Ainsi, Marstrand, petite ville « aux maisons de bois aux teintes pastel alignées le long du quai constitué de gros rochers », abandonnées pendant l’hiver, prend l’apparence d’une ville fantôme, avec ses ruelles sombres, posant un décor très « cinéma » d’ambiance. « Depuis la rue pavée Langgatan jusqu’à la place du peuplier argenté, on voyait non seulement la mairie, mais aussi l’arrière du bâtiment du Club et, immédiatement sur la droite, la mer et le port septentrional. Quand on tournait le dos à la place, on pouvait, en penchant la tête et en levant les yeux, voir la colline sur laquelle trônait la forteresse de Carlsten. »

Îlot de Paster Noster où le cadavre a été découvert: petite île à quelques encablures de Marstrand, inhabité depuis que le phare n’est plus en service. En fait, c’est le phare qui s’appelle Paster Noster, le nom de l’îlot étant Hamneskar, ne mesurant guère plus de deux cent cinquante mètres de long sur cinquante mètres de large. »L’îlot était petit et aride, les criques emplies de rochers polis. Près du port, à l’abri de l’habitation du gardien de phare, quelqu’un avait érigé un muret de pierres rondes, à l’intérieur duquel se trouvait le seul lopin de terre de l’îlot. Chaque fissure était soigneusement colmatée pour retenir la précieuse terre qui devait avoir été apportée par bateau. »

Cette particularité géographique implique des conséquences directes sur l’enquête dans la mesure où, pour se rendre sur les lieux où le cadavre été découvert, Karin et les policiers de la police scientifique doivent emprunter le ferry, compliquant singulièrement leur tâche.sunset-3120484__340

AmbianceLa fille du gardien de phare est d’abord un roman d’ambiance dont les nombreux détails donnent le ton: « Les événements de la matinée les avaient tous les deux secoués. Lentement, ils firent le tour de l’église aux murs blancs crépis pour se dégourdir les jambes. Les hirondelles effectuaient des manœuvres périlleuses autour du clocher. Le gravier soigneusement ratissé crissait sous les semelles usées de leurs chaussures de travail. » (Page 15).

Comme souvent dans les polars scandinaves, le climat participe pleinement à la mise en oeuvre du décor dans lequel évoluent les enquêteurs et autres personnages, rendant les choses plus difficiles pour les uns, plus faciles pour les autres: « C’était une pluie typique de Göteborg avec de fines gouttes froides qui se rapprochaient davantage du brouillard que de l’averse. Ces gouttelettes s’infiltraient partout et vous glaçaient jusqu’aux os. » (Page 27).

En conclusion:

D’emblée, dès les premières pages, je me suis laissée séduire par la plume subtile d’Ann Rosman, forte et délicate à la fois, imprimant au récit un souffle parfois épique, un rythme soutenu grâce auquel on ne s’ennuie pas une seconde, malgré les quatre cent trente pages. Les quelques scènes d’action, le suspense, les lieux confèrent à ce roman une personnalité attachante.

Le +: les détails nombreux, disséminés çà et là, dans les recoins les plus reculés du récit, lui donnent l’authenticité de la banalité des petites choses de la vie quotidienne, formant un écrin pour la situation exceptionnelle que constitue la découverte d’un cadavre emmuré depuis plus de quarante années. La psychologie des personnages permet au lecteur de suivre les pensées, les doutes, les questionnements des différents protagonistes, les rendant plus humains, plus accessibles.

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« C’était peut-être les observations de ce style qui rendaient ses articles particulièrement intéressants, sa capacité à voir les petites choses, à sélectionner et montrer les détails, à apporter une partie des crépitements du bois de bouleau jusqu’aux oreilles des lecteurs, à leur faire sentir l’odeur de la soupe de pois suédoise mijotant sur le feu. » (Page 65).

« L’angoisse la pourchassait. Elle accéléra le rythme et le bitume sous ses pieds céda la place à du gravier. Son pouls s’emballait et les effets de l’effort remplacèrent ceux de la crise de panique. Le petit sentier était boueux et glissant. Elle courait sans se soucier d’éviter les flaques. » (Page 102).

« L’important, c’est d’avoir quelqu’un avec on puisse parler; qui vous stimule et apprécie ce que vous faites. » (Page 333)

« Les hommes échangèrent des regards. Plus elle en savait, plus c’était dangereux, mais s’ils ne la considéraient pas comme un être vivant, c’était pire encore. » (Page 415).

« Robban secoua la tête. Non seulement il était accompagné de trois civils, dont deux vieilles dames, mais en plus l’une d’elles avait un fusil! La situation allait de mal en pis. Il essaya de chasser l’image de sa convocation devant Carsten et les boeufs-carottes. Sans parler de Folke qui allait lui débiter le manuel d’instruction en entier. » (Page 421).

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