Publié dans énigme historique, crime, Passion thriller

Passion thriller: Le Complot Medicis, Susana Fortes.

Une enquête passionnante au cœur de la conjuration des Pazzi, un événement qui bouleversa la Florence des Médicis à jamais…

L’auteur:

Née en 1959 à Pontevedra en Espagne, Susana fortes est l’auteur de huit romans. Elle a obtenu de nombreuses récompenses littéraires, dont le prix Fernando Lara 2009 pour En attendant Robert Capa.L’idée de l’écrire germa dans son esprit en janvier 2008, quand le New York Times annonça la découverte à Mexico de négatifs de photographies prises par Capa et Taro. Traduit en douze langues et déjà best seller, il sera bientôt adapté au cinéma par Michel Mann.

Le roman:

Le Complot Médicis, Quattrocento dans la version originale parue en 2008, a été publié par les éditions Héloïse d’Ormesson en 2014. Le style est fluide, agréable à lire, tout en étant recherché… »L’homme l’observa avec étonnement. c’était un gaillard replet, la tête couverte d’un capuchon en vieux cuir. Il passa un bras par l’ouverture de sa cape usée et lui indiqua la direction à suivre, accompagnant le geste d’une litanie si compliquée que c’est à peine si le garçon en comprit un mot. » (Page 22)… »Luca pila de mauvaise grâce le cinabre dans le mortier, le mêla à la poudre d’ocre brûlé comme le lui avait appris son maître, et malaxa le tout avec l’acharnement que l’on met à combattre un ennemi invisible…le gris du ciel et la pierre argentée dans le contre-jour des matins d’hiver, les toits rouges des demeures patriciennes, les coupoles étincelantes, le fleuve dont les reflets cuivrés se diluaient au crépuscule en un brouillard mauve et ténu à mesure que le soleil déclinait… » (Page 123)

Fil rouge: l’histoire du tableau de Masoni la Madonna di Nievole.

L’intrigue:

26 avril 1478. Jour de Pâques. Laurent de Médicis réchappe de justesse à la conjuration des Pazzi.

De nos jours. Ana Sotomayor, étudiante boursière en histoire de l’art, se rend à Florence afin de rédiger sa thèse consacrée à Pierpaolo Masoni, l’un des peintres les plus énigmatiques et les plus talentueux du Quattrocento. La découverte de ses neuf cahiers, certains à peine plus grands qu’un jeu de cartes, dans lesquels le peintre consignait chaque jour le moindre événement, réoriente son axe de recherche: en effet, parmi de nombreuses précisions de toutes sortes, elle y découvre le récit de cette fameuse journée du 26 avril 1478, racontée avec force détails, restituant la violence de l’attentat qui faillit faire basculer le destin de Florence.

Que s’est-il vraiment passé ce jour-là? Qui était dans la confidence de la trahison? Qui est le « troisième homme », fomenteur du complot contre les Médicis, qui avait ordonné de renverser le Conseil, institution dominée par la famille du Magnifique? De tous les Florentins anonymes qui se pressaient pour assister à la messe, combien étaient au courant? Combien dissimulaient une arme sous leurs vêtements? Dans un monde où la religion occupait la place d’honneur, un massacre en pleine cathédrale le jour de Pâques, dépassant en violence et en sauvagerie bien des crimes commis au nom de la religion, a dû avoir un retentissement énorme pour les témoins de l’époque.

Ana se lance alors dans une enquête à rebours sur la trace des commanditaires d’un des complots les plus célèbres de l’histoire italienne, sans se douter que ses recherches vont faire d’elle la cible d’une police parallèle et des hommes de main du Vatican qui souhaitent que certains secrets ne remontent jamais à la surface. A n’importe quel prix…

Les personnages:

Aujourd’hui:

  • Ana Sotomayor: étudiante en histoire de l’art, boursière de la fondation Rucellai, rédige une thèse sur le peintre Masoni; fille d’un professeur d’histoire du droit.
  • Professeur Giulio Rossi: directeur de thèse d’Ana, homme timide, charmant, gai, un peu gauche.
  • Francesco Ferrer: restaurateur de tableaux; ami du professeur Rossi; homme sympathique, énergique aux allures d’éternel jeune homme.
  • Bosco Castiglione: professeur à l’Ecole vaticane de paléographie, spécialiste en codicologie médiévale, consacrant sa carrière à reconstituer des textes perdus ou incomplets des Pères de l’Eglise.
  • Monseigneur Gautier: préfet des archives du Vatican, président de la Conférence épiscopale.

Hier:

  • Pierpaolo Masoni: peintre au caractère ombrageux et à l’esprit narquois; familier des Médicis.
  • Luca di Credi: jeune garçon orphelin de père, apprenti dans l’atelier du Verrocchio, lointain parent de sa mère; naïf et de bonne volonté, apprend vite.
  • Sixte IV: pape redouté, prêt à tout pour faire aboutir ses ambitions.
  • Ferdinand d’Aragon: roi de Naples et d’Aragon.
  • Jacopo di Pazzi: plus gros banquier de Florence.
  • La Madonna di Nievole: commandé par les Médicis pour un autel du couvent des dominicains de San Marco. Mais peu avant la conjuration des Pazzi, Laurent l’offrit au duc D’Urbino, Frédéric de Montefeltre. La connaissance érudite de son élaboration, de ses secrets et de ses caractéristiques, est d’autant plus intéressante lorsque l’on sait qu’il a été livré aux Médicis en 1478, quelques semaines avant l’attentat de la cathédrale: « C’était une toile aux dimensions considérables pour une œuvre de ce genre: environ un mètre soixante-dix de haut sur un mètre cinquante de large. La Vierge et l’Enfant étaient au centre de la composition, mais, loin de dominer l’espace, ils y paraissaient enfermés. Ils donnaient tous deux l’impression d’une très grande vulnérabilité, comme s’ils se sentaient menacés par la présence du groupe qui les entourait, anges ou prophètes manifestant une attitude de surprise plus que d’adoration. » (Page 71)… »Chacun des personnages de ce tableau recèle un secret. Ils ont l’air d’attendre quelque chose, et c’est cela, justement, qui est si déconcertant pour nous: qu’ils aient dû attendre si longtemps pour être regardés par quelqu’un…Apprendre à interroger un tableau est une entreprise qui n’est ni facile ni innocente, mademoiselle. » (Page 77)

Les décors: 

Florence du XVe siècle: Des descriptions soignées afin de restituer au mieux l’ambiance de la ville: « Via Mattonaia, le garçon salua familièrement Michele di Cione, assis devant son fournil, le visage noirci par la poussière de brique. Les quartiers d’artisans comme celui de Sant’Ambrogio, avec ses gouttières envahies de mauvaises herbes, l’émouvaient profondément, le réconciliaient avec son enfance paysanne. Comprimé au milieu de la foule, il se fondit dans le bouillant vacarme des vendeurs à la criée du marché de gros. Il n’y avait pas de meilleur poste d’observation pour apprendre ce qui se tramait en ville que la piazza del Mercato Vecchio… »(Pages 45-46) =>Avouez que l’on s’y croirait!!

L’art de la mise en scène, dont la maîtrise permet de donner au roman un souffle supplémentaire, faisant vivre au lecteur les émotions des personnages avec plus d’intensité : « Ce fut son regard d’oiseau de proie sous ses paupières mi-closes qui le trahit. Cesare Petrucci, pressentant le traquenard, dégaina sa cinquedea à lame triangulaire et contraignit le jeune prêtre à reculer jusqu’à la porte, sans qu’aucun des soldats de sa suite n’accoure à son secours, car tous se trouvaient pris à leur propre piège dans l’aile nord du palais, dans la salle de la Chancellerie qui protégeait un labyrinthe de chicanes et de portes cadenassées, justement conçu par les architectes pour résister à n’importe quelle attaque. » (Page 287)

En conclusion:

Le +: la particularité du roman Le Complot Médicis est que son intrigue repose sur la création de l’œuvre la plus controversée de Masoni, La Madonna di Nievole.

L’auteur y fait revivre avec beaucoup de dynamisme et de réalisme un monde aussi beau que cruel, celui de la Florence des Médicis où régnait pouvoir, argent, sombres secrets, intrigues politiques et complots dans le but de les préserver ou les conserver.

Le Complot Médicis se distingue par son érudition passionnante, riche en anecdotes et détails, comme la fabrication des pigments pas les peintres ou leurs apprentis, très bien documenté. Enrichir sa culture générale tout en se divertissant. Pari réussi.

Citations:

« C’était le jour de Pâques, et je pouvais ressentir l’atmosphère de recueillement de ce dernier dimanche d’avril. J’imaginais la réverbération du soleil sur la place de la Cathédrale, le bleu absolu du ciel, la splendeur majestueuse du dôme de Santa Paria del Fiore, la clameur des fidèles qui commençaient à affluer via Martelli pour assister à l’office. Rien ne laissait présager que, quelques minutes plus tard, le sacrement de l’eucharistie se dénaturerait en un monstrueux carnage, souillant de sang et de viscères les nefs de la cathédrale. » (Page 15)

« Si tu avais prêté plus d’attention à mes paroles, tu te souviendrais des centaines de fois où je t’ai répété que la peinture est une représentation du monde. La logique qui nous permet de déchiffrer le grand livre de la vie nous permet aussi de nous orienter dans un tableau. Mais pour cela, on ne doit pas s’arrêter à la surface de la toile, il faut pénétrer à l’intérieur, se mouvoir entre ses éléments, découvrir ses angles morts, flairer partout comme tu as vu Lupo le faire… » (Page 44)

« La façon que l’on a de regarder est la même que celle de penser le monde et de l’affronter. La sienne présentait le risque fatal de me rendre incapable de me passer de lui. » (Page 264)

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