Publié dans amour, crime, crise économique, Editions Plon, Passion thriller français

Passion thriller français: Gamine, Guerrière, Sauvage, Eric Cherrière.

« Il n’y a ni bonnes ni mauvaises armes. Au bout du compte, une seule chose importe. Rendre les coups »…Oui, mais pas n’importe comment.

L’auteur:

téléchargementEric Cherrière est un réalisateur, scénariste et romancier français né à Brive le 25 février 1974. Il fait des études de philosophie à l’Université de Toulouse Le Mirail puis d’audiovisuel à l’ESAV (École Supérieure de l’Audiovisuel), également au Mirail.

Il est connu en premier lieu pour son travail de scénariste et de réalisateur de documentaires, d’émissions et de magazines pour la télévision. Il réalise des documentaires sur le cinéma fantastique, sur le western européen, des récits sur le patrimoine vivant et historique, mais aussi des courts métrages d’aventure (pirates, polar, moyen-âge…), et des magazines pour France3 (Toulouse).

Je ne vous aime pas (Éditions Le Cherche-midi, 2010), sélection automnale du Prix SNCF du polar, 11ème édition, est son premier roman. L’ouvrage reçoit le prix de la prison de la Santé.

En 2013, il publie Mademoiselle Chance (Éditions Le Cherche-midi) que l’auteur présentera au Salon Toulouse Polars du Sud en octobre 2013.

Le roman noir Mon cœur restera de glace (2020) couvre un siècle de guerres fratricides, de 1918 et 1944 à 2020.

Il a également écrit et réalisé deux longs-métrages. Après son premier film, « Cruel » (2017), polar sur la dérive d’un tueur en série, Grand prix du polar de Cognac 2016, Éric Cherrière a tourné « Ni dieux ni maîtres » (2019), film d’aventures médiéval.

Le roman:

Gamine, Guerrière, Sauvage a été oublié par les éditions Plon en mars 2021. Le style incisif alterneOIP (1) langage très familier et écriture plus anodine: « L’antiterrorisme n’y trouvera aucune trace de mes voyages nocturnes. J’ai fait ce qu’il fallait. A 15 ans, je suis plus forte qu’eux et pas un ne le sait. Un jour ils se le prendront dans la gueule et ils ne comprendront rien, ces flics de putes! Comment ils peuvent penser qu’on va les respecter à foutre en l’air la chambre d’une gamine et à arracher le seul poster sur ses murs? Bravo, les héros! Braves toutous! Je répète à voix basse « Va crever, va crever, va crever… » Choix illustrant la rage qui anime Maud face à l’immobilisme et la résignation de son père, de son frère.

L’histoire est racontée au présent à la première personne par Maud dont le lecteur connaît les pensées et les ressentis les plus intimes. Mais c’est également à travers ce prisme qu’il accède à son environnement familial.

Thèmes: crimes contre les enfants, crimes impunis, crimes contre l’humanité, l’injustice, la précarité.

Fil rouge: les actions de la CPI, Cour Pénale Internationale.

L’intrigue:téléchargement (2)

Maud, 15 ans, Alban, son frère, 16 ans et demi, vivent une existence routinière et sans surprise auprès de leur mère, ex-championne de bodybuilding, et leur père, ex-champion d’athlétisme, aujourd’hui ouvrier dans une usine qui fabrique des armes.

Tout ce qu’on sait de Maud est qu’elle n’oublie jamais les petites phrases dont son grand-père parsème son quotidien, et que sa main droite est tranchée à hauteur du poignet. Amputation de naissance? Accident? Il faudra attendre d’être bien avancés dans l’histoire pour le savoir. Ce qui ne l’empêche pas d’user de son ordinateur afin de communiquer avec d’autres personnes à travers le monde qui, comme elle, souffrent d’un handicap, soit à cause d’une maladie ou suite à une agression. Rencontrer ainsi d’autres souffrances lui permet de transcender la sienne.

Derrière cet univers qui semble tellement lisse se cachent pourtant des mystères: pourquoi ses parents ont-ils tenu à l’écart le grand-père de mère, Alban Morgan, marin breton et explorateur, qui semblait pourtant être un homme bon, très apprécié par son entourage? Pourquoi alors avoir donné son prénom à son frère?

Mais un jour, tout bascule. Suite au suicide de Michel Gentier, un copain de son père, chez qui on a retrouvé une collection illégale d’armes de guerre, son père est arrêté pour terrorisme. Commence alors une lente descente aux enfers: licenciement du père; sa mère contrainte de cumuler plusieurs emplois pour tenter de garder la tête hors de l’eau; frais de justice grevant leur budget; fins de mois plus que difficiles; regards réprobateurs, pour ne pas dire pire, des voisins, des amis…

Maud, guidée par sa rage et son caractère rebelle, est bien décidée à tout mettre en oeuvre, TOUT, pour sortir sa famille de la misère, pour payer des études à son frère, pour entreprendre l voyage jusqu’aux glaces de la Terre de la Reine-Maud, ultime héritage de cet ancêtre honni…

Lieux:

La maison des grands-parents perçue comme symbolisant la descente aux enfers de Maud et sa famille: les ardoises emportées par le vent, les infiltrations dans les murs, l’humidité grignotant les huisseries…Une maison froide en été comme en hiver, avec un sol de terre battue. Ici, aucun confort moderne sinon une cheminée pour tout moyen de chauffage.

téléchargement (1)La terre de la Reine-Maud: un petit morceau de terre gelée d’un kilomètre de côté, unique héritage de Maud lui venant de son arrière-grand-père, le marin breton parti en expédition avec un magnat norvégien de la pêche à la baleine, qu’il avait sauvé d’une mort certaine alors qu’ils étaient perdus au milieu du désert blanc. Cette terre de glace symbolise pour Maud le dépassement de soi-même, le courage d’affronter l’adversité et d’en sortir vainqueur.

En conclusion:

Gamine, Guerrière, Sauvage exalte des vertus humaines qui, pour nombre d’entre nous, font partie d’un certain folklore littéraire: le courage, se tenir debout face à l’adversité, aux coups donnés par la vie, quand notre univers éclate en mille morceaux. Comme celui de Maud lorsque son père est incarcéré et perd son emploi. J’admire cette volonté farouche, si inhabituelle pour une si jeune fille, de ne pas se laisser abattre, de se sortir du marasme à tout prix…

C’est à ce moment que le bât blesse: que signifie vraiment l’expression  » à tout prix »? Quelles intentions et actions se cachent derrière ces mots en apparence anodins, que l’on utilise souvent sans vraiment faire attention à leur signification profonde? Je ne peux souscrire à la réponse apportée par Gamine, Guerrière, Sauvage: s’en prendre à plus faible que soi, à qui ne saura ou ne pourra pas se défendre. Que l’idée de détrousser des gens sans défense de leurs économies de toute une vie ait germé dans l’esprit d’une ado rebelle, passe encore, mais que ses parents agréent au point de participer à ces opérations commandos, cruelles autant que cyniques, je ne peux pas croire à la crédibilité d’un tel scénario. J’aurais mieux compris s’ils s’en étaient pris à des gens capables de se défendre, à des représentants de cette société qui brutalise les laissés pour compte. N’oublions pas que si la vie leur a tout pris, comme dit Maud, c’est quand même suite aux agissements irréfléchis et illégaux de leur père…Il existe d’autres façons de se sortir du marasme que d’écraser les autres et de les spolier de leurs biens. Il semble que la légitimité de son combat réside ailleurs, qu’il est faussé dès le départ: ils en sont là parce que leur père a sciemment volé l’entreprise pour laquelle il travaillait…

Il reste les qualités d’écriture de l’auteur, indéniablement. Le portrait qu’il brosse d’une jeune guerrière qui n’a pas froid aux yeux, qui va au bout de ses convictions, qui n’hésite pas à contacter des membres influents de la CPI, qui pousse son père dans ses retranchements, l’obligeant à lutter pour retrouver l’amour de sa femme, constitue le point d’orgue de ce roman. Une lecture dérangeante. Captivante aussi, d’un certain point de vue. Qui ne laissera personne indifférent…

Citations:

« La silhouette de mon frère m’évoque un papillon face à un vent trop fort, trop vicieux pour lui, ses ailes prêtes, oui, à s’arracher. Ses yeux abritent une panique, celle de décevoir. Le visage de celui qui court devant, car mon frère est deuxième, brille quant à lui d’une incandescence. Mon frère en est à son quinzième tour de piste, ses intestins lui font l’effet d’être frottés à la paille de fer puis aspergés de vinaigre. Quand il passera la ligne d’arrivée, à bout d’oxygène, étourdi, il vomira d’épuisement et cherchera le regard de mon père pour savoir s’il n’a pas démérité. » (Page 20).

« Jour après jour, je mesure l’anxiété économique dans laquelle ils sont plongés, la glu sociale, une peine de précarité à perpétuité appliquée par une armée de logiciels au service de l’Etat ou de grandes entreprises privées. Un logiciel ne s’apitoie pas, il ne déroge pas aux règles. Il dresse des murs de zéro et de un, de oui et de non, dicte ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. » (Page 84)

 

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