Publié dans amour, angoisse, éditions Hugo Thriller, crime, disparition inexpliquée, mystère, Passion thriller français

Passion thriller français: Ce qu’il nous reste de Julie, Sébastien Didier.

« Quoi que l’on fasse, on restait toujours prisonnier de son histoire. La plus grande réussite était de l’écrire soi-même. Pas d’en rester simple spectateur »

L’auteur:

téléchargementSébastien Didier est né à Nice, il y a maintenant un certain nombre d’années. Il a fait des études de marketing en école de commerce. Il a longtemps travaillé dans la publicité et la presse. Fils de professeur de français, il a toujours écrit et surtout beaucoup lu. Mais ce n’est qu’en 2017 qu’il découvre la plateforme Fyctia, notamment organisatrice de concours d’écriture. Passionné de cinéma et de nouvelles technologies, il écrit Je ne t’oublie pas pour un concours thriller dont il atteint la finale, recevant au passage le coup de cœur de B.A. Paris elle-même. Sans réponse des éditeurs auxquels il s’est adressé, Sébastien Didier auto-édite son roman qui obtient un joli succès (12 000 ventes en un peu moins de deux ans). Son second roman, Les Yeux Bleus, est publié par les éditions Hugo Thriller en 2020.

Le roman:

Ce qu’il nous reste de Julie a été publié par les éditions Hugo Thriller en 2021. Le style detéléchargement Sébastien Didier est fluide: « Il tira un paquet de cigarettes de la poche de sa veste et m’en proposa une que j’acceptai. Je me penchai pour l’allumer à la flamme de son briquet et nous restâmes ainsi quelques instants à regarder les volutes de fumée se répandre au-dessus de nous et se déliter dans la nuit. » (Page 384)…Chaque mot à sa place: « Mais à l’heure des réseaux sociaux où tout un chacun était capable de dire avec certitude ce que ses « amis » avaient mangé à midi ou bien de quelle couleur était la chambre du petit dernier, moi je ne savais plus rien. J’avais laissé les années s’étirer entre nous comme on tend un drap pour masquer un paysage que l’on ne veut plus voir. J’essayai de courir plus vite que les fantômes de mon passé. » (Page 59).

Le ton des nombreux dialogues est juste; l’écriture soignée jusque dans les moindres détails: « Elle réajusta le foulard autour de son cou, le même que celui qu’elle portait déjà la veille. Arnaud revint sur ces entrefaites, il posa une bouteille de bière décapsulée face à elle et me tendit l’une des deux autres qu’il tenait dans sa main gauche. » (Page 139).

Raconté au passé par Sébastien, le personnage principal, le récit entremêle le présent du narrateur à des bribes de son passé qui apparaissent au détour d’un mot, d’une phrase, dun souvenir évoqué par ses amis, le ramenant vingt ans en arrière.

L’intrigue:

Sébastien, jeune romancier en devenir, s’installe à Bordeaux afin de peaufiner son manuscrit. Il y fait la connaissance de Jean Dorchavel, libraire dont la boutique regorge de trésors, telle une caverne d’Ali Baba. Ce dernier lui offre un exemplaire de Le Temps d’un Eté, premier roman de L.J. Dexley, la nouvelle révélation britannique, en passe de devenir le succès littéraire de l’année. Sébastien ne se doute pas, en acceptant ce cadeau apparemment inoffensif, combien sa vie va en être à jamais bouleversée, le plongeant dans un passé qu’il tente d’oublier depuis vingt ans.

Il faut dire que Le Temps d’un Eté regorge de références et de similitudes troublantes, très proches de l’histoire et du destin de Julie, son amour de jeunesse: les noms, l’hôtel que gérait Anne, la mère de Julie, des anecdotes connues d’elle seule, jusqu’à sa passion pour la lecture  et l’écriture: « Julie était une passionnée de lecture mais aussi d’écriture, elle ne se déplaçait jamais sans un journal ou un cahier pour y prendre des notes qui lui serviraient dans l’écriture d’un futur roman. Elle ne jurait que par les policiers, notamment Conan Doyle, Agatha Christie et d’autres. Elle connaissait leurs histoires par coeur. Exactement comme la Julie du livre. » (Page 43).

La première explication qui s’impose à Sébastien est que ce roman a été écrit par Julie elle-même. Mais c’est impossible. Parce que Julie Brunetti, celle qui a tant compté pour lui, a disparu vingt ans plus tôt, supposément assassinée par un tueur en série. Hypothèse retenue par la police bien que son corps n’ait jamais été retrouvé.

Alors…Qui est L.J. Dexley? Comment a-t-elle pu connaître des détails que seuls ses proches peuvent connaître? Elle a forcément obtenu ses informations quelque part. Mais où? Par qui? « Je veux savoir qui est derrière ce livre. Savoir qui la connaissait assez bien pour en parler ainsi dans un bouquin. Et comprendre pourquoi il l’a fait…Car plus j’y réfléchissais et plus j’en étais persuadé: La Julie du livre correspondait en tout point à celle que j’avais connue. Si j’y ajoutais les références à notre vie à Sainte-Geneviève ainsi que d’autres clins d’œil que seuls Emilie ou moi pouvions repérer, il n’y avait aucun doute. Celui qui avait communiqué ces renseignements à L.J. Dexley connaissait Julie aussi bien que moi. » (Pages 74-78).

Pourquoi ne sait-on rien de cette romancière anglaise? Aucune interview, ni écrite, ni télévisée. Aucun visuel sur aucun réseau social. Impossible de l’approcher par sa maison d’édition…Circonstances qui ajoutent au mystère. Sébastien échafaude les théories les plus folles…Et si ??

Circonstances dans lesquelles Julie a disparu, le 12 juillet 2000. A l’époque, tout le monde, y compris la police, a conclu, bien que son corps ne fut jamais retrouvé, qu’elle avait été l’une des victimes du tueur en série Etienne Tramard, qui avait sévi dans la région. Pourtant, ce dernier avait avoué le meurtre de six jeunes femmes mais jamais ceux de Julie et d’Audrey, disparue quelques jours plus tôt. Seul son sac à dos avait été retrouvé dans la vieille ferme dont les restes surplombent le village, dans les montagnes environnantes. Comme on y avait retrouvé l’ADN du tueur, la police a conclu, un peu vite, qu’il l’avait entraînée jusque-là pour la tuer. Tramard s’étant suicidé en prison, avant de révéler tous ses secrets, tous avaient conclu que jamais ils ne sauraient le mot de la fin et devraient vivre avec cette blessure à vif jusqu’à leur dernier souffle. Mais la quête de Sébastien va permettre, d’une façon tout à fait inattendue, de répondre, vingt ans plus tard, aux questions qui le taraudent…

Les personnages:

  • Sébastien: narrateur; romancier à la sensibilité exacerbée.
  • Jean Dorcheval: libraire à Bordeaux; ami de Sébastien.
  • Arnaud Delclave: ami d’enfance de Sébastien; gendarme à Sainte-Gé; fort en gueule mais le coeur sur la main; bon vivant avant le drame qui a endeuillé leur jeunesse.
  • Emilie Ceccaldi: amie d’enfance de Sébastien; psychothérapeute à Nice.
  • Vincent: ami d’enfance de Sébastien et frère d’Emilie; guitariste professionnel, toujours en tournées ou en studio; fidèle au groupe de leur enfance.
  • Julie Brunetti: amour de jeunesse de Sébastien, amie des trois autres membres du groupe; disparue tragiquement une nuit de juillet, vingt ans plus tôt; personnalité solaire; passionnée de littérature et d’écriture.
  • Pauline Legendre: amie d’Emilie; soeur d’Audrey, une des victimes du tueur en série Etienne Tramard.
  • Bernard: oncle de Sébastien, l’a élevé après la mort de ses parents; caractère bourru, alcoolique et dépressif mais aime profondément son neveu même s’il ne le montre pas.

Les lieux:

Sainte-Geneviève: village situé dans l’arrière-pays niçois où Sébastien est né et a passé son enfance et son adolescence. Malheureusement rattrapé par le modernisme à outrance et le tourisme de masse qui défigure Nice et sa région: « Désormais, chaque rez-de-chaussée de bâtiment ou presque accueillait sa devanture de magasin…Je n’en revenais pas de constater à quel point le paysage urbain avait changé. La haute saison n’avait pas encore commencé et pourtant, la rue grouillait de monde. » (Pages 66-67)

Panorama Bay: l’hôtel que Sébastien avait connu jadis, où son amie Julie avait grandi, a presque entièrement disparu sous la rénovation coûteuse entreprise par les nouveaux propriétaires, quelques années plus tôt. Plus rien à voir avec l’établissement géré par Annie Brunetti: « A l’intérieur, le lobby se fondait désormais dans une décoration typique des hôtels lounge de haut de gamme avec ses coloris apaisants, son mobilier chic et ses jeux de lumières qui structuraient l’atmosphère. Une tête de lion sculptée en cuivre (ou en or rouge mais je penchais plutôt pour le cuivre) était accrochée au mur, juste au-dessus du bureau d’accueil. Elle surplombait l’entrée et brillait comme un soleil. » (Page 102) =>Nouveau décor déstabilisant pour Sébastien qui ne reconnaît rien des lieux de son enfance. Comment mener à bien son (en)quête dans ces conditions? Heureusement, la vue splendide n’a pas changé.

En conclusion:

Ce qu’il nous reste de Julie est un roman alliant quête personnelle et enquête criminelle à rebours, vingt ans après la disparition de Julie, menées de main de maître par Sébastien Didier qui, à mon sens, signe là son meilleur thriller. Le suspense savamment entretenu: à diverses reprises, Sébastien fait allusion à la fin intrigante du roman Le Temps d’un Eté sans jamais la révéler.

Le +: un roman dans le roman, comme un jeu de piste dont le personnage principal du premier suit les indices semés dans le second, faisant écho à ses souvenirs personnels, entraînant le lecteur à sa suite dans cette quête intimiste qui va le mener bien au-delà de ce qu’il avait imaginé: « Ce livre renfermait un secret, j’en étais persuadé. Et je ne m’arrêterais pas de chercher avant d’avoir vraiment découvert lequel. » (Page 60).

Les qualités de Ce qu’il nous reste de Julie sont nombreuses: le thème de la quête de réponses concernant la disparition mystérieuse d’un proche n’est certes pas original, mais c’est la façon dont l’auteur le met en scène qui le renouvelle, grâce à ce jeu de piste dans un roman fictif, relayant la vraie vie fictive du narrateur. Un labyrinthe dans lequel, à chaque détour, Sébastien auteur-narrateur nous donne des pistes afin de comprendre qui nous sommes, ce que nous attendons de notre vie, ce que nous pouvons en faire, quel peut être le poids du passé si nous le laissons nous envahir…

Un roman riche, tragiquement grandiose, qui vous bouleversera autant qu’il vous captivera…Un formidable message d’espoir teinté d’une pointe de nostalgie, juste ce qu’il faut pour faire naître une larme au coin de vos yeux…Un gros gros coup de coeur à lire sans tarder…

Citations:

« télévision, smartphones, Internet, réseaux sociaux, Netflix et j’en passe. Le progrès a gavé nos cerveaux comme on engraisse des oies. La lecture est une porte ouverte vers un imaginaire d’une richesse folle. Mais c’est une course fond qui nécessite un minimum d’investissement! Aujourd’hui, les jeunes s’essoufflent au bout de dix mètres. » (Page 20).

« …Représentez-vous une idée comme l’une de ces pierres précieuses que l’on trouve au fin fond d’une mine. Combien faut-il ensuite pour l’extraire de la roche, pour la nettoyer, la tailler et la polir? Pour lui conférer son aspect définitif, celui qu’elle aura lorsqu’elle sera sertie sur monture? Mais surtout celui qui lui permettra de révéler toute sa beauté et son potentiel? Une idée, c’est ça. » (Page 62).

« Même si vous savez que la fatalité n’en n’a pas fini avec vous, qu’elle vous réserve encore son lot de fureur et de coups durs qui vous briseront sûrement plus que ce qui a déjà été fait, vous ne vous concentrez plus que sur elle. Cette lueur, elle n’a la’air de rien. Pourtant, vous allez en faire votre repère, la boussole de votre vie. Votre espoir. Alors vous serrez les poings et vous vous relevez. Parce qu’on se relève toujours de tout… » (Pages 77-78).

« Qu’est-ce qu’un roman, sinon une part de soi que l’on accepte de dévoiler et d’abandonner ensuite? Nous la livrons à des inconnus en leur disant: voilà qui je suis à cet instant. Et quelquefois quelqu’un comprend ce message… » (Page 274).

« En descendant le petit sentier qui menait au bord de la falaise, j’eus l’impression de revenir au temps de mes vingt ans. Ca sentait la sève de pin, l’air iodé et le soleil glissait doucement entre les cimes des arbres pour accompagner mes pas. Pour un peu, je pouvais presque entendre els rires des adolescents que nous avions été. Ils avaient tant ricoché sur ces écorces qu’il devait bien en rester quelque chose. » (Page 422).

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